Avoir les doigts verts ….(Largo)

4 décembre 2005

Avoir les doigts verts ….(Largo)

- Dis, Papy, tu me fais de l'ombre ! Tu es trop droit, trop costaud. Tu me donnes l'air d'un freluquet. Je suis tout tordu rien qu'à te regarder et te parler.

- Patience, bonhomme ! A mes tout débuts, j'étais exactement comme toi. Mes copains rigolaient de moi et me disaient " dans les jupes de ma grand-mère ". Ah oui, ils étaient fiers, jouaient des coudes, roulaient des hanches, bombaient le torse et faisaient les caïds. Jusqu'au jour où des bûcherons les ont tous coupés à la base et à la tronçonneuse. Ils les ont ficelés comme des saucissons, entassés dans des camions et emportés. A tous mes amis sapins, on a cloué une croix de bois en guise de prothèse de pied et on leur a foutu les boules. Des petites, des grosses, des longues, des courtes, des multicolores et même des scintillantes. Et en plus, des bougies, des guirlandes, des clignotantes, un tas de décorations et de cadeaux, mais pas pour eux. Ah, ils pouvaient pavoiser ! On leur a fait leur fête. On a bu du champagne et dansé toute la nuit à leur pied. Mais, très vite, ils se sont désèchés. Les réveillons passés, on les a mis au feu ou, pire encore au compost.

- Toi, tu as échappé !

- Oui, j'ai toujours été discret. Puis un jour, d'autres bûcherons sont passés. Ils ont abattu ma mémé, mais délicatement. Avec des égards dignes d'un bois précieux. Elle était si belle et si robuste! Ils en ont fait des charpentes, des structures de maisons écologiques, des meubles aussi et même des planches pour leurs cercueils. Chez les hommes, les générations sont bien plus courtes. Ce n'est que justice! Nous les enterrerons tous. Ce sont leurs enfants qui sont dangereux pour nous. Bientôt, ce sera mon tour. Et toi, tu prendras la relève, mon gars! Tu t'épanouiras, tu grandiras vers un avenir resplendissant. Mais méfie-toi toujours des hommes, même s'ils disent … avoir les doigts verts.