La route (Didi)

Elle attend. Mais elle ne sait plus très bien ce qu'elle attend...depuis le temps… Il faut dire qu’elle se défend d’y penser, sinon le remords la reprend. Alors elle s’assoie, toujours au même endroit, devant cette porte. Elle prend la pose, elle est belle. Au début, les passants s’arrêtaient parfois, à la voir immobile toujours, figée dans l’attente. Maintenant ils ne font plus attention. On s’habitue à tout, même à la folie. En plus elle est encore bien habillée, encore belle, et silencieuse, une statue tendue vers l’ailleurs. Elle appartient à leur paysage, ils ne la voient plus. Seuls les enfants la regardent toujours. Ils n’osent pas encore, mais bientôt ils l’appelleront « la folle », ils l’insulteront, ils essayeront de la faire bouger, ils lui jetteront des pierres peut-être. Les enfants ne respectent pas la beauté de l’attente, ils vivent, ils remuent, pourquoi être ainsi cloué à l’intérieur de soi quand tout est mouvement autour, quand le soleil chauffe et brille ? Elle ne saurait répondre car elle n’entend plus les enfants, elle ne sent plus ni le soleil ni la pluie. Ils auront beau faire, elle ne leur lancera pas un regard… Elle est concentrée sur la route, cette route qu’elle observe chaque jour, cette route pleine de monde et de remords. Pour ne plus souffrir, elle préfère attendre.

Comments

[coumarine]

Voilà un texte qu'il est original ;-))
La femme a perdu la raison, tout simplement, mais elle reste belle figée dans son attente impossible
Merci Didi