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Paroles Plurielles
6 janvier 2006

Elle attend…(Valclair)

Elle attend. Mais elle ne sait plus très bien ce qu’elle attend... Depuis le temps…

Moi, je la regarde...

Je regarde son visage qui n’en est pas un, cette pose étrange, à la fois détendue et contrainte, bras tendu en avant, bras replié sur l’épaule, comme en caresse sur la chevelure, corps légèrement déjeté, genoux serrés, pieds légèrement rentrants, pose en tension, mouvement suspendu…

Je regarde le mur ocre auquel elle s’adosse, cette lumière qui brille et qui ne l’éclaire pas, la bougie se consume et ne se consume pas, la lumière tremble…

Je m’approche encore. En tendant la main je pourrais toucher la toile, ces taches rugueuses sur le mur, la douceur du tissu de cette jupe, la tiédeur de cette peau, caresser de mes doigts peut-être cette joue diaphane…

Il règne ici un silence de suspens, un silence bruissant.

Il me semble que j’entends murmurer.

Je tends l’oreille alors et colle mon visage contre le visage éteint, contre ces lèvres qui sont dans les limbes…

Des bribes d’abord, paroles inaudibles, puis qui, les unes aux autres arrimées, doucement dans l’air prennent leur envol :

« Je l’aimais mon peintre… Il m’a caressée du regard tant et tant... Et puis il m’a caressée de la main... Il m’a caressée de la peau... Il m’a caressée du pinceau et du pinceau il a caressé la toile… Ainsi il a voulu ma main, ainsi il a voulu mon corps, je les ai lui ai donnés, avec bonheur et sans arrière-pensées, il a voulu mon visage… Il lui manquait un peu de couleur pour mes lèvres rouges et pour mes yeux, pâles pourtant. Il est sorti. Dehors, dans les rues hostiles, régnait la guerre… Les coups de feu partaient des toits et des terrasses, des balcons et des fenêtres... Celle qui fut pour lui l’a pris en plein cœur... Les femmes l’ont ramené en hurlant... Elles voulaient que je parte mais moi je n’ai pas bougé... Les cris se sont éteints et je n’ai pas bougé... Et puis je me suis effacée... Et je n’étais plus que cela, mon visage qui n’en est pas un, cette pose étrange, à la fois détendue et contrainte, bras tendu en avant, bras replié sur l’épaule, comme en caresse sur la chevelure, corps légèrement déjeté, genoux serrés, pieds légèrement rentrants, pose en tension, mouvement suspendu… »

Elle sait très bien ce qu’elle attend.

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Commentaires
C
C'est fait, Val (et c'est en effet mieux comme ça...)
V
Merci de vos commentaires à tous, je suis content que ce petit texte vous ait plu.<br /> heu par ailleurs, Coum, sauf erreur il me semble bien que les "il m'a caressés" de la main, du pinceau, etc.. doivent être plutôt "caressée" . Enfin c'est une bricole...
C
Ce texte dégage une ambiance. Je suis littéralement rentrée dans le tableau ... Les coups de pinceau, ces coups d'amour...une vraie caresse, un hommage au peintre...<br /> Merci, Valclair!
L
Bonjour, Val, ton texte émane du tableau comme une envolée de sentiments. Des sentiments qui font vivre celle qui attend,<br /> <br /> Amitié,
C
Jean, c'est vrai...c'est vrai ce que tu dis là
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