Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Paroles Plurielles
16 janvier 2006

Le miroir (Didi)

Un miroir, un simple miroir. Ne faut-il pas être bête pour craindre un simple objet ? Sortir de la douche, et regarder au travers… Se laver les dents, voir si on n’a rien oublié entre deux incisives... Mais la nuit, seul chez moi, j’ai peur des miroirs. Le matin aussi d’ailleurs. Tout le temps. Ils reflètent ce que je ne veux pas voir. Ils montrent des horreurs…

Les miroirs reflètent d’ailleurs tout sauf la réalité, si on réfléchit bien. Ils sont trompeurs. Un exemple : regardez-vous dans une glace. Souriez. Et bien ce sourire-là, personne ne le connaît. Il n’y a que vous. Vous le trouvez moche ? Ne vous en faites pas, ce n’est pas celui que vous montrez aux autres, qui est plus naturel, plus sincère, même dans vos plus grands moments d’hypocrisie… L’exemple du sourire est plutôt banal, mal choisi en plus, j’essaie juste de faire comprendre ici ce qui ne va pas chez les miroirs : une certaine lumière, un certain profil, pas la peine de regarder, vous ne verrez jamais ce qu’il faut voir : l’épi derrière la tête.

Ce qui m’effraie chez eux, c’est ce que je n’y vois pas, et ce que je pourrais y voir. La chose tapie dans l’angle mort, le monstre qui se cache derrière moi. La mort derrière la tranquille réalité des choses… Je suis sûr que, soit en regardant bien et longtemps, ce que je ne ferai jamais, soit par hasard, dans un moment d’inattention, un miroir peut révéler ce qui se cache. Je ne veux pas voir ce qui se cache, que ça reste où c’est. Qui veut voir la mort en face ? Qu’elle vienne, mais qu’elle reste invisible !

Voilà ce que je me suis dit toute ma vie. Alors j’ai toujours évité les miroirs, quitte à monter 10 étages d’escaliers, tout plutôt que de me retrouver dans l’ascenseur et face à sa glace dans laquelle je pourrai voir l’horreur sur mon visage quand, au niveau 9, le câble cassera et que je subirai la chute vertigineuse, pendant plusieurs interminables secondes, les yeux dans mes yeux, face au miroir, face à moi, face à ma mort.

Donc pas d’ascenseur. Pas de toilettes publiques.

En voiture un sûr réflexe me fait éviter les rétroviseurs, et je peux conduire.

Je marche dans la rue sans regarder les vitrines : on y voit encore moins bien, qui sait ce qui pourrait s’y refléter. Sans parler de la surface de l’eau, c’est pire que tout, je vais à la montagne l’été moi, pas à la mer…

Et c’est justement sur un chemin de montagne que ça se passe. Ce jour-là je suis heureux : de la neige partout, même sur les lacs, devenus opaques. Une semaine de vacances en perspective, chez des amis qui me connaissent bien, et qui enferment donc tous les faiseurs de reflets dans la même pièce. Pas de soucis, pas de frayeurs. Juste un petit bruit sur la banquette arrière, qui attire mon attention… qui me fait perdre mon réflexe : je regarde dans le rétroviseur… Tout de suite je sursaute, (qu’ai-je fait ?) puis je reste figé. Car je vois la mort, dans toute sa laideur. Elle me regarde, tranquillement assise sur le siège arrière. Tiens, elle a même attaché sa ceinture. Elle attendait depuis un moment déjà. Elle me regarde à travers la glace. Elle me sourit ?... un sourire noir et plein, un sourire de vainqueur.

Je n’ai jamais plus enlevé mes yeux du rétroviseur, pas même quand ma voiture a quitté la route, a couché plusieurs arbustes, pour foncer vers le ravin. Je regarde la mort derrière moi, je la regarde droit dans les yeux à travers cet objet maudit.

Le miroir m’a pris par surprise…

Ca devait arriver.

Publicité
Commentaires
D
Heureuse de vous avoir fait frissonner: mon but est atteint ;)! Merci.
F
J'en ai froid dans le dos..!
Y
Putain d’miroir qui m’a pris par derrière en me regardant droit dans les yeux …<br /> <br /> bravo
C
Didi<br /> J'aime énormément ce texte dans sa première partie...<br /> C'est commme une fine analyse de ce qui se passe quandon se regarde dans un miroir<br /> P&ar exemple ceci:<br /> "regardez-vous dans une glace. Souriez. Et bien ce sourire-là, personne ne le connaît. Il n’y a que vous. Vous le trouvez moche ? Ne vous en faites pas, ce n’est pas celui que vous montrez aux autres, qui est plus naturel, plus sincère, même dans vos plus grands moments d’hypocrisie… "<br /> Cela me semble tellement vrai cela, et si bien observé...<br /> La seconde partie vire dans le fantastique comme l'a fait Berlioz et comme le fiat Jean dont je vais mettre le texte après le tien<br /> Bravo pour ce texte qui pourrait figurer comme note très intéressante (et bien écrite) dans un blog<br /> Et merci
Publicité