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Paroles Plurielles
16 janvier 2006

Si j’avais su… (Colette)

Allez savoir pourquoi, un jour, un jour ordinaire, vous avez à nouveau sept ans...

Je ne crois pas au hasard…

Je crois en la magie des choses…

Une petite tortue en malachite a suffi…

Le soleil a cuit le nez de maman, le crâne de papa et les seins de ma sœur. Ca sent la grillade !

Moi, je suis couchée  sous le chêne avec ma tortue. On mange de l’herbe. C’est notre coin restaurant. On regarde le monde à l’envers. C’est beau.

Les nuages jouent aux autos tamponneuses.

Ils font de la magie ! Ils deviennent oiseaux, puis montagnes, puis monstres. C’est un film dans le ciel !

Depuis le déjeuner, les nuages sont nerveux.

Y a de la dispute dans l’air !

Sur terre, Suzette continue à faire la crêpe. On pourra bientôt la manger comme dessert…

Ma tortue en a marre de faire la sieste. Elle prend ses bagages. Je la suis. Elle avance à pas de tortue. C’est normal, c’est une vieille tortue ! En plus, comme elle est bavarde, elle s’arrête à tous les coins  de rue du jardin et papote avec les fourmis, les grillons et les papillons.

Tiens !  Elle redresse la tête, fixe je ne sais quoi ! Elle  a senti quelque chose…

Elle me regarde, m’explique…Je ne comprends rien. Elle parle trop vite !

Je lis dans ses yeux. Elle n’est pas dans son assiette.

Soudain, elle  prend sa carapace à son cou…oui, c’est du langage tortue…et fonce vers la chaise longue où rôtit Suzy.

Arrivée au but, elle freine d’un coup sec et ferme la porte de sa maison. Clac !

C’est sûr, elle me prévient d’un danger !

On dirait qu’elle a vu un extra terrestre !
En dessous de ma sœur, l’herbe a des frissons. Ca remue drôlement.

Je m’approche. Et là…. C’est l’horreur ! Je suis transformée en statue de sel.

Je veux crier mais y a plus de sons dans ma bouche! Ca hurle dans ma tête !
L’herbe se couche et se redresse…

Mes yeux font du ping pong. Ma sœur, l ’herbe, ma sœur, l’herbe…

Deux yeux noirs pointent le bout de leur nez.

Deux yeux qui  ne bougent pas. 

Deux yeux  qui attendent...

Entre quat’zyeux, je me sens pas bien !

Une langue rentre et sort.
Une langue qui ne dit rien de bon.
Une langue qui cherche...

Je n’ai plus de salive !

Un cou  apparaît comme une marionnette.
Un cou qui n’en finit pas.
Un cou qui  enroule.

Je voudrais prendre mes jambes à mon cou !

Le monstre fait la danse du ventre autour des pieds du transat. Il s’enroule, se déroule et monte, monte encore…

Sa langue n’en finit pas de se lécher les babines. Il se régale déjà !

La tête chercheuse atteint le matelas. Le corps suit. Un corps long, avec des écailles brillantes comme le sac à mains de grand-mère. Il glisse  lentement vers les pieds de Suzette. Il va mordre !

Je vais assister à la mort de  Suzy!

Dieu, fais que je sache bouger !

La prière n’a pas le temps d’atteindre Dieu.

Je saisis un bâton. Je crie. Je  m’égosille. Suzette fait un bond sur sa chaise et me  hurle que je suis une sale gamine, que mes blagues ne la font pas rire, que j’ai un petit pois dans la tête, que je mourrai idiote ! Si elle savait !

Elle est verte de rage. Moi, je suis verte de peur !

La couleuvre, elle aussi, a la frayeur de sa vie. Elle  détale comme un lapin… !

Allez savoir pourquoi, un jour, un jour ordinaire, vous vous dites que les grands ne comprennent rien aux choses de la vie…

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Commentaires
C
C'est vraiment bien vu, bien écrit.Charlotte
M
Chère Colette,<br /> Ton texte est très imagé et plein d'humour. On a l'impression de vivre la situation. J'ai beaucoup aimé, cela m'a fait frissonner et sourire. Bisous. M-J
C
C olette...j'adore tout simplement<br /> C'est vivant et bien écrit<br /> Tu as l'art de te mettre dans la tête d'un enfant
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