Entre ciel et terre. (Eversharp)
Je suis un petit bonhomme suspendu, entre le ciel et la terre.
Un pitre qui, sur la hauteur, gesticule, s’agite et joue pour vous, je ne sais, quelle scène.
Je suis un équilibriste en tourmente et désir à la fois. C’est un état d’esprit, une position d’artiste dont je ne suis pas le maître.
Ainsi, maintenant, à l’heure où je vous écris, je sais que j’ai seulement quelques pas, à faire, sur cette corde raide pour vous rejoindre, me jeter dans vos bras qui se tendent, encouragent, et acclament déjà mon futur exploit.
Mais je n’y arrive pas…
C’est comme un cauchemar.
Mes jambes stationnent fixes, immobiles, à la même place.
Elles n’avancent pas. Elles ne marchent pas.
Ma bouche est grande ouverte sur un cri.
Elle aspire, mais n’expire pas.
Mes bras balancent hésitants, de gauche à droite.
Ils s’affolent, tourbillonnent. C’est angoissant.
Mes mains paniquent, s’accrochent à la barre, à la vôtre. C’est rassurant.
Pour qui et pourquoi lâcher cette prise, cette attache ?
Et pourquoi devenir grand et acrobate ?
Je n’en ai pas envie.
Je suis un petit d’homme, suspendu, entre le ciel et la terre.
Vous êtes devenu ma corde vivante, ma corde sensible.
Je redoute le vertige, le saut, la coupure. Je crains la chute, la blessure.
Je redoute l’absence, le silence, le vide. Je crains la mort à venir.
Alors… quand vous me poussez, quand vous me propulsez dans l’immensité des mystères de l’univers… Je n’en finis pas de me débattre avec mes ailes.