Croisade (François)
J’étais arrivé à Saint Jean d’Acre en croisé, las et douloureux. Audacieux aussi : l’or nous souriait déjà. J’attendais une calèche en direction de Jéricho, traînant de-ci, de-là en dilettante, hésitant un tantinet entre jeter l’ancre ou continuer la route. Dans cette cité aux ruelles sombres et étroites, aux odeurs tout orientales, j’errais, un coutelas acéré à la ceinture. Serrée, la ceinture, d’ailleurs : les jours de jeûne du trajet… Un rat, notre naute ! Cent deniers donnés… et rien à dîner, des jours et des jours ! J’aurais dû lui étriller l’échine ! Lui tordre le cou ! L’assassiner dans un coin. Encore jeûner… ? Certes non ! « Ja, croix ne nourrit », disait l’aïeul. C’était exact… J’achetai donc des anchois à la criée, larronnai un ou deux litres de clairet tirés en cachette d’un tonneau (c’est sec, Saint Jean d’Acre), détroussai d’un rôti un charcutier de choix. Allant dans le désert, je souhaitais exulter, jouir un peu : ne sais si en sortirai ! Alors, encore rejoindre dans une hôtellerie crasseuse d’autres salauds déjà saouls, jouer aux dés les attraits d’une jeune drôlesse… tenir en haleine toute la nuit, la tête entre deux seins dodus