Moment d’extase ! (Colette)
Le soleil a plongé dans la mer sur un coup de tête.
La bougie a rétorqué, s’est embrasée pour libérer sa flamme.
Lui aussi…
Il est au rendez-vous comme tous les soirs. Depuis des années… Des siècles peut-être… Une éternité sans doute…
Face à la petite fenêtre mansardée, il s’accroche à sa plume. Il l’ancre religieusement d’encre sympathique. Et il emprunte le chemin de la page blanche…
Le désert blanc.
Ce blanc angoissant.
Ce blanc qui noue l’estomac.
Ce blanc qui attend…Qui attend la chaleur intérieure, la chaleur des mots.
La main se pose, fébrile. Elle épouse la plume, l’étreint, l’étouffe. Le pouls bat la chamade. Le cœur bouillonne.
Le poète et la plume entrent en osmose…
La main tremble, hésite, s’agite, s’élance.
Les lettres émergent.
Soudain, c’est l’onde de choc. La vague déferle en lame de fond. Les mots se couchent sur le papier vélin.
Des mots qui parfument, des mots qui enivrent. Des mots qui osent, des mots qui déshabillent.
Et les vers chantent et ventent, essaiment et s’aiment.
Et les rimes se suivent, se croisent, s’embrassent.
Alors, le poète s’envole…Le ciel se constelle de points de suspension. Se poudre de points de non-retour.
Le poète s’accroche à son rêve... Balaie virgules et guillemets. Balade sonnets et triolets.
Le poète s’échappe… Les points s’exclament. Les traits se tirent.
Le poète souffre… S’agrippe à ses interrogations.
Trouvera-t- il le bonheur dans un autre ailleurs ?
La question ne se pose pas.
Elle s’est déjà envolée… D’ailleurs, il y a trop de vent !