La 5e, (Coquelicot)
Depuis des années déjà, elle est engluée dans ses aspirations désespérantes.
Assuétudée au trompe l'œil des étalages de mode, elle ne peut résister aux
clins d'œil racoleurs des mannequins en polysirènes. Tous sortis d'un même
moule, envitrinés dans des poses impossibles à prendre et surtout à garder,
ces pantins désarticulés, irrésistiblement, l'appellent et lui imposent la
vision inique de son devoir être: svelte, uniforme, asexuée, siamoise de
tout un chacun, copie conforme sans forme et sans couleur! Dans le grand
mensonge du prêt à porter, tous les trucs sont bons pour l'inciter au troc
de son avoir pour un paraître! Magiques, ces devantures de magasins de
farces et d'attrapes l'aimantent à lui en faire perdre le Nord.
A chaque passage dans la 5e avenue, elle look, mentalement se relook, se
fond dans les loques et se confond avec les clicotes provocantes qui la font
rêver… Elle entre, enfile, se transforme sous le regard cupide et dans
l'aura des conseils perfides du vendeur, enfin elle existe! Elle paie,
emporte, se précipite devant la glace de sa garde-robe… elle enfile, se
mire, s'interroge et se marre: "Miroir, mon beau miroir, suis-je maintenant
la plus belle?"
Sortie du champ des sirènes, lucide, devant ce miroir qui ne ment plus, elle
se sait flouée une fois encore… Allez, hop, c'est décidé, il faut qu'elle se
change … les idées. Et tandis que les achats vont se naphtaler dans
l'armoire aux trésors importables, elle sort se balader … du côté de la 5e!