Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Paroles Plurielles
2 juillet 2006

La complainte du phoque (Claire)

L’unique ascenseur de l’immeuble est momentanément hors d’usage.
Savent-ils combien elle est fatiguée ce soir ? Elle n'a même pas eu le courage d'enlever sa belle robe à pois et ses chaussures noires aux talons qui claquent. Elle est jeune et belle. Belle, elle l'a vu encore ce soir dans le regard des hommes dans la salle du cabaret. Mais à quoi ça sert sans amour, la beauté ? Toutes ces marches à monter pour trouver un appartement vide, personne pour vous accueillir ? Ses chaussures lui font mal. Alors elle repense à toutes ces fois où petite, elle comptait les marches pour s'amuser et puis à cette chanson : un kilomètre à pied, ça use, ça use...
Elle remonte un peu la jupe et tous ses volants quand elle entend un pas devant elle.
Un pas léger, alerte. Elle devient plus attentive et entend une mélodie. C'est un air triste qu'elle connait : la complainte du phoque. Cre moi, cre moi pas, quelque part en Alaska, y'a un phoque qui s'ennuie à mourir...

Elle décide d'accorder son pas à l'autre pas. Puis sans vraiment sans rendre compte, elle accélère. Elle aperçoit une silhouette : un homme jeune, élancé. Elle remarque malgré le peu de lumière qu'il a un pantalon blanc large et un pull vert à carreaux. Plus un costume de clown qu'un vêtement pour la ville. Mais après tout, elle, elle est en andalouse. Mais que fait-il ? Par dessus sa tête, elle aperçoit des balles. Il jongle. Fascinée, elle monte en regardant ce dos, ses mains, ces balles qui tournent.
Il monte, il est fatigué. Il n'a pas eu le courage de se changer. Cre moi, cre moi pas, sa blonde est parti gagner sa vie dans un cirque aux Etats-Unis. Il ne s'est pas démaquillé. Il a fait rire les enfants et plu aux mamans. Il l'a vu dans leurs yeux ? Mais ça sert à quoi d'être jeune et beau sans personne qui vous aime ? A quoi bon monter pour n'avoir qu'un chat pour vous accueillir? Alors il fredonne et lance ses balles, les unes après les autres. Et il entend derrière lui des talons qui claquent. Il se fait attentif aux pas légers d'une femme, aux bruissements de sa robe. Insconciemment, il accorde le rythme de ses pas aux siens, puis il les ralentit. Elle finit par le rattraper, il sent son parfum, le regard de la femme dans son dos. Alors maladresse, trouble ou bien il en a voulu ainsi, il laisse tomber ses balles de mousse.
Il les entend rouler dans l'escalier , il se retourne.
Elle est quelques marches plus bas. Elle regarde cette avalanche de balles multicolores. Surprise d'abord, elle se met à rire d'un rire joyeux, presqu'un rire d'enfant avec l'envie de battre des mains.
Alors il tend la main et c'est ainsi qu'ils se sont connus et jamais quittés surtout pas pour aller faire tourner des ballons sur leurs nez.

Publicité
Commentaires
F
J'ai fini ce texte avec un sourire jusqu'au oreilles et du bonheur aux lèvres !<br /> Merci Claire !
P
Oh oui, c'est tendre et charmant. J'ai beaucoup aimé, comme Coumarine, le parallélisme littéraire entre ce qui arrive à la femme, puis à l'homme.
N
L'émotion, la tristesse, le mystère, puis une merveilleuse rencontre... On voudrait que ça nous arrive à tous !
P
très jolie histoire, très jolie façon de nous la raconter<br /> <br /> sur une chanson que j'adore... merci.
C
Bonjour Claire et bienvenue sur Paroles Plurielles<br /> Relis attentivement à droite les "commentaires", tu auras là toutes les indications pour m'envoyer les textes (ne pas oublier de mettre un titre avec le pseudo entre parenthèses) Mon adresse se trouve aussi quelque part à droite. Mais je la rappelle<br /> coumarine@msn.com<br /> <br /> Que dire sinon que j'ai apprécié ton texte, très touchant<br /> J'aime beaucoup le fait que tu aies "répété" certains phrases en les adaptant du côté femme, puis homme...c'est bien trouvé!<br /> Et tu as merveilleusement bien respecté la consigne qui n'était pas si évidente avec un dessin qui n'avait pas grand chose à voir avec l'incipit que j'ai donné!
Publicité