Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Paroles Plurielles
14 octobre 2006

Envol (Valclair)

Au matin le verre était vide.
Mais de son élixir j’étais empli.

Je suis sorti de la taverne laissant là des compagnons qui n’en étaient plus, des demi-putes alourdies de tristesse, les couloirs obscurs de mes nuits, ma sécheresse de cœur.
J’ai frissonné dans l’air vif, et je me suis accoudé, ébouriffé de vent, à la rambarde accrochée sur le vide...
Tandis que s’effrangeaient les brouillards, j’ai vu le bon géant de la colline qui s’éveillait, étirant son vaste corps et saluant le matin frémissant...
J’ai vu son chapeau petit, cône comme une pagode, promesse de voyage, son front puissant, et son regard, tourné vers le ciel moutonnant...
J’ai vu, au rebord de ses lèvres, l’esprit, improbable télégraphe sur la falaise de son visage, j’ai vu ses bras qui se dressent, s’abaissent, commandant au ciel, au soleil en cascade...

Et puis j’ai vu le geste ample de son bras d’humus et de fougère, j’ai vu sa main qui s’ouvrait et du creux de ses doigts s’envolant, j’ai vu l’oiseau, l’oiseau s’élever comme une offrande…
Et je l’ai suivi des yeux, l’oiseau, j’ai suivi les volutes sinueuses de son vol, jusqu’à ce qu’il s’efface, jusqu’à ce qu’il se perde dans l’éclair blanc du matin.

Je suis retourné dans la taverne.
Ho, cabaretier, sers moi, sers-moi et un plein verre, s’il te plait, et que je ressorte...

Et que je retrouve l’oiseau et qu’il me prenne entre ses ailes et que nous voguions dans le vaste ciel, laissant là à jamais, mes compagnons qui n’en sont plus, les demi-putes alourdies de tristesse, les couloirs obscurs de mes nuits et ma sécheresse de cœur.

Publicité
Commentaires
W
J'aime bien l'image animée du sémaphore, c'est cela l'envol...du "signe" :)
C
Moi aussi ,j'ai tout de suite entendu Brel et vu Amserdam et "les marins qui chantent,... se mouchent dans les étoiles et ... pissent comme je pleure sur les femmes infidèles....<br /> Très beau
V
Merci de vos commentaires<br /> Ce qui a été essentiel pour moi dans ce texte c'était d'essayer d'entrer vraiment dans l'image. <br /> Je ne savais pas que j'avais commis une "anaphore", je connais peu les figures de style, merci Coum pour cette précision .<br /> Si ça vous amuse vous pouvez aller voir sur mon blog le making of de cette petite prose poétique à laquelle je dois dire j'ai pris beaucoup de plaisir.
C
Pour moi, tu vois Val, ce texte est d'un puissant lyrisme. Il y a des expressions magnifiques, je ne pourrais les citer toutes, ça fourmille dans ton texte, j'en ai des frissons.<br /> <br /> Ce qui donne l'ampleur à ton texte, c'est l'anaphore "J'ai vu" qui revient comme une incantation, quelque chose qui monte en force<br /> <br /> Et ton texte forme une boucle: tu pars des compagnons, des demi putes etc...pour finir par les compagnons, les demi putes etc<br /> Ca c'est une trouvaille...
B
une belle langue de brume et de nuit et de bar, j'aime beaucoup
Publicité