La petite sirène (Marie-Aude).
Elle pleure, la petite sirène. Elle pleure et plonge son regard noir dans les eaux sombres qui enserrent son rocher de solitude. Son prince charmant s'en est allé. Et chaque soir, lorsque le jour décline et qu'à l'horizon enfin scintillent les étoiles d'espérance, elle penche son visage triste vers la mer et cherche le reflet tant aimé. Mais elle a beau scruter les flots et tendre à l'infini son cou gracile et pâle, lancer au vent du Nord la flamme de ses cheveux roux, tel l'étendard vibrant de son amour égaré, l'onde reste muette. Et seuls ses sanglots déchirent l'air du soir.
C'était une belle histoire pourtant. Ils s'étaient rencontrés au détour d'un nuage, s'étaient aimés très vite, avec la tendre fougue de jeunes adolescents. A l'abri du rocher, sur leur île déserte, ils ont parlé longtemps. Et chacun de leurs mots se changeait en caresses. Ce fut un bel été, la mer était limpide et la lune immobile écoutait leurs serments. Mais l'été est bien court et le désir volage. Au premier ciel changeant, l'amoureux s'éclipsa. Et depuis son départ chaque nuit elle attend. Immobile et transie, elle parle aux douces vagues qui meurent sur le rocher, leur raconte l'Amour, le rêve évaporé. Elle apprend la patience, se dit qu'elle sait attendre. Son beau prince reviendra. Elle sait qu'il reviendra, la prendra dans ses bras. Ensemble ils valseront sans fin sous les étoiles. La petite sirène sourit. Pour cette minute de bonheur, cette seule petite minute, improbable et fragile, elle est prête à jouer sa vie. Alors c'est décidé, elle vivra centenaire.