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Paroles Plurielles
6 novembre 2006

Miracle ( Farfalino )

Elle descend avec précaution du glisseur qui vient de s'arrêter dans un sifflement évanescent devant les vestiges oubliés de la Tour des Khilgard. Les 4 lunes dansent encore dans l'aube ensanglantée de Ténébreuse. Elle frissonne malgré le lourd manteau noir et le foulard qui enserre les rares cheveux qui lui restent. Devant elle se dresse un empilement infini d'anneaux de pierre blanche et noire, posés comme le ventre d'un bourdon géant. Les fantômes des anciennes sorcières lui chuchotent des mots insaisissables et réveillent en elle une énergie qu'elle croyait disparue. En tremblant, elle pose douloureusement un pied devant l'autre sur le chemin qui la mènera au sommet.

     - « Docteur ! Docteur ! La patiente du 34 présente à nouveau des ondes cérébrales ! ».
Le chirurgien regarde avec stupéfaction les oscillations incompréhensibles qui emplissent son écran.
     - « Vérifiez les connexions, il y a une erreur. ».
Il ne lui était pas concevable qu'après l'extraction manquée d'une tumeur au cerveau, cette femme soit autre chose qu'un légume. Mais, ces courbes lumineuses sont aussi une lueur d'espoir pour leur rédemption.

Marche après marche, au fur et à mesure que progresse son ascension vers le sommet de la Tour, son corps de bois retrouve une souplesse oubliée. La respiration devient plus aisée, les poisons qui avaient été déversés dans son sang s'évanouissent, aucune migraine n'enserre plus sa tête. Encore quelques pas vigoureux.

Elle offre son visage au froid soleil rouge de la « planète aux vents de folie » puis défait son voile et le laisse s'échapper dans l'horizon pourpre. Elle n'en a plus besoin. L'esprit des sorcières de la Tour s'était
insinué dans toutes les fibres de son être et leurs voix indéchiffrables l'emplissent d'une chaude et apaisante douceur.

Elle ouvre les yeux et distingue une larme couler sur le visage de son mari bien aimé. Son regard est capté par les reflets bleus mouvants de la pierre-étoile qu'il avait posé sur la chemise verte de l'hôpital. Elle entrevoit alors dans les irisations tournoyantes un futur que les sorcières lui avaient soufflé. C'est décidé, elle vivra centenaire.

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Commentaires
D
C'est le demi-tour dans le tunnel...
C
OUi, j'aime aussi, même si le texte me déroute par son contenu ...<br /> Merci Farfalino
P
Beaucoup de textes des consignes de PP sont très beaux. Mais alors là, sur Spilliaert, c'est magnifique. Comme quoi, l'écriture doit impérativement s'alimenter d'une nourriture dense et profonde... Et Spilliaert est un artiste majeur, vraiment. Ce texte est extrêmement profond. Chapeau!
C
Merci pour le plaisir que j'ai éprouvé à lire ce texte. Entre la douceur de ce que ressent cette femme et la situation dramatique dans laquelle elle est, on chemine, mot après mot.
B
raisonnable ou non, un bel espoir
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