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Paroles Plurielles
14 novembre 2006

Le choix de vivre (Matts)

La voiture la percuta de plein fouet. Elle s’écrasa quelques mètres plus loin après avoir embrassé le lampadaire. Au-dessus d’elle, elle discerna la faible lumière du réverbère, elle s’y sentit attirée, la douceur de la nuit l’apaisa, elle s’y laissa transporter. Tel un oiseau, elle décolla vers la lumière puis la dépassa, tout devint noir ! Mais elle sentait toujours cette présence qui l’enveloppait et l’emportait inlassablement vers le haut, elle sentit soudain en elle la plénitude du plaisir quand elle pris conscience qu’elle ne respirait plus, n’entendait plus, ne voyait plus, elle ne sentait même plus la pression de l’air sur elle, elle était l’air, le son, la lumière ; l’extase la propulsa vers les cieux !

Une étoile filante déchira les ténèbres d’une nuit incroyablement noire.
La jeune femme prit position au pied de la grande pyramide du Saint Sacrement, dans les grandes plaines de l’ultime royaume des morts. Elle avait découvert et traversé les 7 précédents royaumes, découvrant ainsi les plus grandes émotions : de l’orgasme à la haine, de l’abondance aux carences, de la fécondité à la stérilité ! A peine cligna-t-elle des yeux qu’elle fut transportée vers un autre monde où elle rejoignit ses tendres disparus ! Au pied de l’escalier pyramidal, la Force l’attira vers le sommet, elle gravit les hautes marches sans peur, sans doute, sans inquiétude. Dans sa montée, elle ne ressentit ni peur, ni haine, ni amour ; en fait elle, n’en avait jamais vraiment ressenti de son vivant. Alors pourquoi elle ? Pourquoi l’avoir arrachée à la si longue vie qui l’attendait ?

Un cosmos s’écrasa au sommet de la pyramide.
La femme mit le pied sur l’avant-dernière marche de son ultime voyage. Face à elle s’imposa tel un totem l’entité absolue. C’est alors qu’une violente secousse déchira ses entrailles, comme un bras puissant qui la reliait au monde des vivants, comme une décharge prémonitoire d’un avenir incertain. Le gardien de la pyramide s’adressa à la femme tel un roi s’adressant à son sujet : sans réconfort, sans soutien, il lui prédit son avenir dans ce qu’elle pensait être l’au-delà : un avenir de plaisir, d’amour, de jouissance absolue et éternelle. Pour cela il lui fallait choisir ! Avait-elle jamais eu le choix ? Se l’était-elle jamais octroyé ? Ni un choix, ni une ouverture, ni un ultime remède pour ne plus souffrir ! Elle avait la possibilité de profiter ou d’abandonner… Oui, de profiter et d’oublier. Une nouvelle violente déflagration lui pulvérisa le cœur, lui déchira les veines et les artères avant qu’une ultime explosion ne lui traverse le corps. Soudain elle entendit La Voix. En se retournant elle distingua La Lumière, et ce murmure, ce murmure : « On lague à gne, Aile reuvi hein. ». Alors tout s’accéléra, elle se retourna, la divinité avait disparu, elle se tourna encore, La Lumière s’était agrandie. Enfin elle sentit qu’on la suppliait de faire demi tour ; revenir vers les siens, ne plus avoir peur d’hier ni de demain, ne pas se retourner, avancer et profiter !

Une aurore boréale illumine le ciel de rose, de vert, de bleu, de violet, de jaune et d’orangé.
La vielle femme descend la première marche de l’immense pyramide, retraverse doucement les 7 royaumes, voit son avenir, puis revoit au loin la rue, la voiture, le lampadaire et son corps à l’apparence si jeune mais à l’âme si mature. Alors elle comprend, elle profitera du présent sans penser à l’avenir, sans panser le passé… C’est décidé, elle vivra centenaire.

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Commentaires
F
Je ne connais pas Werber, ou si peu. <br /> Ton texte est très surréaliste et si l'univers auquel il fait référence est différent, il fait un peu echo au mien.<br /> J'aime bien l'ambiance qui s'en dégage.
M
suis surpris de voir que mon texte plaise...<br /> pourtant moi je ne l'aime toujours pas, il me gene un peu...<br /> Le fait que ça vous fasse penser a Werber me rejouit (en tant que fan :))<br /> Sinon sammy, mon heroine est plus ou moins du coté obscur, on peut le dire...Pour le saint sacrement, j'ai justement eu peur d'avoir cette reflexion, l'image est, il est vrai, religieuse et me gene, j'aurais du l'enlever, surtout que le texte est trop long.<br /> <br /> ps : je promet de faire plus court pour la consigne de demain !! :)
M
Il est superbe, ton texte, Matts ! Quel beau retour à la vie de ton héroïne. Merci à Pati d'avoir insisté pour que tu postes cette histoire, qui m'a vraiment ravie.
S
Très beau texte en-effet, qui se lit avec plaisir et facilité. Je trouve que c'est très important, la facilité avec laquelle on lit un texte, la façon dont le regard coule d'une ligne à l'autre sans effort, et se laisse emporter par l'histoire. C'est bien. Parce que quand je commence à froncer les sourcils et à relire plusieurs fois un paragraphe pour comprendre le sens, c'est mauvais signe en général...<br /> <br /> Pour le fond, j'ai évidemment pensé moi aussi à Werber, on retrouve le même genre de symbolique qui me laisse un peu narquois, mais c'est une autre histoire... ;-) Ce que je préfère, c'est la part d'images poétiques que tu as glissé dans ton texte, ce qui est vraiment de toi, et non du pastiche (je dis cela sans ironie, le pastiche est un art à part entière). <br /> <br /> Deux petits détails qui m'ont un peu fait tiquer (mais bon, c'est juste moi, hein...) : le terme de "pyramide du Saint Sacrement" qui renvoie à une image trop explicitement catholique, alors que ton texte est plutôt "neutre" (je ne trouve pas le mot que je cherche) et onirique ; et le terme de "Force" (la Force l'attira vers le sommet) qui m'a bien fait sourire jeune padawan. Est-ce à la mort d'un jedi que nous assistons ?<br /> <br /> Mais j'aime bien chercher la petite bête -quoique non, c'est elle qui s'impose à moi. Ton texte est très bon, merci à Pati et à Fleur d'avoir insisté.
C
Voilà une histoire bien différente de celles qu'on lit d'habitude ici...une texte au départ de science fiction, (les thanatonautes de B Werber?)qui se fond petit à petit en texte de réflexion sur la vie sur la mort...<br /> (et oui, la première partie, tu aurais encore pu l'élaguer...peut-être aurait-il gagné encore en intensité...mais c'est diffcile pour moi d'expliquer aussi rapidement ici pourquoi et comment...)<br /> Quoi qu'il en soit, Matts, jamais hésiter à envoyer son texte quand on a pris la peine d'en écrire un...c'est en se coltinant à l'écriture, aux consignes qu'on progresse<br /> Et tu as un beau potentiel en toi...
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