De l’utilité des secrétaires (Oncle Dan)
Du fond du passé arrivent parfois de brusques tempêtes. De funestes secrets que l'on croyait morts et qui émergent des marécages de l’oubli.
Elle était venue me dire que j’avais un sérieux problème. Rendez-vous compte ! Moi, qui n’ai jamais perdu une occasion de rester tranquille !
Je déplore de ne pouvoir rapporter précisément les termes exacts de ma réponse. Ma mémoire est particulièrement réticente et capricieuse actuellement.
Il est regrettable qu’il n’y ait eu personne pour prendre mes propos en sténo, car je n’exagère pas en affirmant que je me surpassai.
Une ou deux fois, au cours de banquets ou ripailles, il m’est arrivé de parler avec une éloquence qui a forcé les applaudissements de l’assistance ébahie, mais je ne crois pas avoir jamais atteint les sommets que j’atteignis alors.
Je me souviens cependant lui avoir précisé que je ne disposais que de mille deux cents à mille sept cents caractères, espaces compris, pour satisfaire à la consigne et qu’elle devrait s’en contenter aussi.
Elle m’a répondu que dans ce cas, les espaces étaient bien les seuls à être compris dans cette déplorable affaire.
Après ça, il n’y avait plus grand chose à dire. Peut-être ai-je dit : « Ah ?» ou quelque chose dans ce genre – je ne sais plus très bien - mais si je l’ai dit, mes commentaires se bornèrent là. Et puis « Ah ?» est pratique. « Ah ? » est un de ces mots auxquels il n’est jamais facile de trouver une réponse.
Je l’ai vue quitter le château par les allées. Elle est repartie comme elle était venue. Sans se retourner et sans faire le moindre signe supplémentaire qui eut été inutile.
Désormais, c’est son problème, plus le mien.