Elle et l’autre. (Charlotte)
Elle a son trouillomètre qui dépasse la limite raisonnable.
Elle arrache sa plume plantée entre les doigts. Elle l’enferme dans la cave.
A clé. Elle ne veut plus écrire, se livrer en pâture. Elle a peur d’être
tondue. Elle a peur de prendre la fièvre, la mort, d’en faire son habitude,
son vice, de perdre sa fortune.
Elle se demande si elle ne ferait pas mieux d’aller brouter ailleurs avec
ses brebis galeuses.
Elle ne sait pas comment rendre sa vie, privée, libre, heureuse.
Elle a son inconscience qui la surveille d’un œil, lui joue des tours tordus
et l’attend au coin de la rue. Elle est folle peut-être.
Tout le monde le lit dans ses feuilles de choux qu’elle espère publier un
jour, avec son nom bien propre, le sien, pas, celui de son père, dont elle a
volé la signature, pour siéger à sa droite, à l’égal de lui.
Ecrire, c’est sa marotte à elle, depuis qu’elle a des secrets d’amour
torride.
De plus, elle aime écrire avec ses doigts, des histoires de mouches à
quatre pattes qui se régalent d’excréments de vaches !
Qui va lire ça ? C’est sale.
C’est ainsi qu’elle fonce droit, dans un cul de sac, bouché de sens
interdits.
L’autre lui dit qu’il faut prendre un autre chemin plus sûre, plus fruité,
du coté de l’espace, de l’infini.
L’autre lui dit qu’il faut abattre le mur,en détacher les briques une par
une, les réduire en miettes et les donner au silence par-dessus les
collines.
L’autre lui dit qu’il faut regarder en face le fantôme blanc caché derrière
les nuages et lui faire un sourire…
L’autre lui dit qu’il ne faut pas adorer les dieux car ils n’existent pas
ici.
Alors, elle cherche la formule magique, la règle fondamentale à suivre
pour exorciser ses mauvaises fois.
Et elle se promet d’entartrer l’autre, avec sa merde ou sa chantilly, elle
se jure que cela va chauffer car désormais,c’est son problème, pas le sien.