Réseau lution (Poèmedevie)
Elle l’emprunte chaque jour, le petit sentier gris qui l’amène d’un bord à l’autre. Et chaque jour, un étrange sentiment la parcourt au moment de poser le premier pas sur cette passerelle imaginaire. C’est un peu comme si sa vie était suspendue au-dessus d’un gouffre profond, comme si chaque pas qu’elle faisait ne tenait qu’à un fil reliant son passé à son présent, son présent à son futur, son futur à son passé. Voilà bien 40 ans qu’elle pratique ce va-et-vient constant, qu’elle tricote les événements entre eux et découvre peu à peu les liens qui tissent son univers à elle. Reliée à sa mère par un cordon invisible qui encore et encore cherche à s’enrouler autour de sa gorge chaque fois qu’elle voudrait s’envoler ailleurs. Un autre cordon vissée à son ventre et à son bout deux enfants à peine adultes dont elle aimerait encore contrôler un peu la trajectoire. Toutes ces cordes qui l’entravent finalement dans son propre voyage. Demain, c’est décidé, elle changera d’itinéraire. Une dernière fois, elle traverse résolument la place déserte. Au fond de son ventre un sentiment de victoire, au fond de son œil un regard déterminé. Et là, au milieu du croisement de ses cordons, elle envoie dans les quatre directions à la fois : « Désormais, c’est leur problème, plus le mien. »