C'est là que nous irons (Elvire)
C'est là que nous irons.
Lorsqu'au printemps, des mots nouveaux pousseront par chacun des pores de ma peau.
C'est là que nous irons : dans ce pré sauvage en lisière de forêt, au milieu des bois noirs, où surgit la clairière.
C'est là que nous irons contempler pas à pas l'avancée des digitales roses.
L'automne sera loin alors, et les colchiques oubliés, viendra le temps de l'amour digitale et nous prierons pour ne pas qu'il s'empoisonne. Il ne faudra pas cueillir cette fleur ci, simplement, de nos doigts aériens, de nos souffles l'effleurer.
C'est là que nous irons, effeuiller les marguerites comme des enfants à nouveau, comme des enfants surpris.
C'est là que nous irons, ensemble, saisir l'épi sauvage de nos mains, jouer à poule ou coq ; sous nos cous, glisser le bouton d'or, ensemble aimer le beurre.
C'est là que nous irons, enfants devenus rois, nous asseoir côte à côte sur les pierres sèches qui surveillent les hauts sapins sombres, offrir au soleil tendre nos corps apaisés.
C'est là que nous irons faire silence, tu sais, ces grands silences si pleins où coulent nos vies ou vivent nos espoirs, nos rêves, nos désirs...
Je sais que tu viendras, je sais nos journées pleines à regarder passer le temps, nos jambes dépliées et nos bras reposés.
Je sais que c'est demain et que déjà, les mots nouveaux affleurent, bourgeonnent dans les gangues de brouillard des hivers débutants.
Je sais que rien n'est mort, que ce ne sont que faux-semblants, que bientôt, que demain ...
C'est là que nous irons, sur le fil du temps, balbutiants et fragiles et tellement confiants, juste pour un instant, une seconde suspendue à regarder filer nos vies, nos rires, nos envies...
C'est là que nous irons, oui, c'est là.