Sans Titre (Piéro)
J'enfonçai une porte mystérieuse, close, ayant toujours été diablement tenté de fouiller toutes les issues interdites. Celle-ci donnait directement sur un plateau verdoyant et grandement ensoleillé, si bien qu'au seuil déjà, le soleil me menaçait d'une caresse brûlante. Comme pour le fuir ou pour l'embrasser, je courais dans l'herbe qui s'offrait à moi avec la lourdeur d'un oisillon qui s'essaye au vol, sans me rendre compte que la chaleur me donnait une fièvre euphorique. Je me confondais avec la nature ; je coiffais tendrement quelques mèches de fleurs, j'étreignais fougueusement la pelouse et je jouais dans la rivière comme un gamin. Las, j 'allais me reposer sur le rivage lorsque je la vis, trônant au sommet de la colline qui bordait la rivière, surmontée du soleil comme le "i" d'un point. Il me fallait la rejoindre. Je grimpai derechef l'abrupt monticule , et tandis que je tendais ma main vers son visage blanc, je fus foudroyé par la violente lumière du soleil. Je chancelai, par-ci par-là et tombai inerte dans la rivière qui m'emmena au loin.
Je me réveille. Un réveil glacé. Je suis étendu au pied d'une montagne imposante, recouverte comme toute la vallée d'une neige scintillante qui propage une lumière calme, presque transparente, dans la nuit. Peu à peu le froid me rend mes sens et la nuit mes esprits. C'est ici que je vis. Je l'avais oublié, je l'oublie tout le temps, mais la neige me le rappelle. Je me lève avec vigueur et conviction et je marche, je marche, jusqu'à me fondre dans le paysage.