Haine rouge (Brie)
Je crois bien que j’ai attrapé un coup de soleil.
Je ne voulais pas y être moi, de cette virée à la mer. Ma peau si blanche, presque diaphane, n’est pas faite pour les rayons ardents du soleil d’été.
Mais les parents bien sûr n’ont pas voulu que je reste seule à la maison. Et maman m’a forcée à mettre cette robe rouge à fleurs blanches, que je déteste. Une de ses robes qu’elle a rafistolée à mes mesures. Ma mère, elle, adore le rouge et toutes ses nuances.
Elle a enfourné d’office dans mon sac un chapeau à larges bords, un panneau de crêpe, bien plié au fond d’un tiroir qui n’attendait que ce moment pour vivre sa vie, une serviette de plage bien trop petite.
Je me revois encore, étendue sur le sable brûlant, souffrant de la chaleur cuisante de ces ondes que l’on dit bienfaitrices, mon grand chapeau posé sur la tête, le paréo étalé sur mon corps, seuls les pieds dépassant du tissu soi-disant protecteur.
Et me voilà, rôtie comme un poulet, grillée comme une sardine, brûlée comme un arbre mort, torréfiée comme les grains de café du matin.
L’incarnat de ma chair est devenu le vermeil de mon sang. Un feu qui me brûle de milles picotements insupportables. Je ne suis plus que ce feu qui me dévore.
Ankylosée jusqu’à l’âme.
Ecarlate comme une tomate bien mûre.
Dermatosée. Aussi pourpre qu’un murex.
Et mes pieds, deux petites écrevisses tordues de douleur, comme ivres.
Je me regarde. Tristement. Mes joues empourprées du vermillon du cinabre.
Assise, dans ce fauteuil carmin, engoncée dans ma robe coquelicot, mon corps tout entier se confondant dans cette masse abhorrée. Je n’ai qu’une envie, lacérer cette robe qui m’enclave, m’extirper de ce fauteuil dont le gluant rougeoiement m’éblouit d’une lumière spectrale. Muer de ce ton qui m’asphyxie. Anéantir ces rouges de la palette des couleurs.
Me refondre dans le cristallin de ma peau