Un bronzage de rève. (Aubade)
"Je crois bien que j'ai attrapé un coup de soleil!", dit Aline en rentrant de la plage.
Mais il n'en est rien. Et elle le sait. C'est juste un prétexte. Un prétexte destiné à me faire admirer son bronzage.
Aline laisse tomber sa sortie de bains sur le fauteuil le plus proche, et se pavane en bikini devant le grand miroir. Elle tourne et retourne sur elle-même, se tord le cou pour essayer de voir son dos. Bronzage parfait, c'est vrai. D'ailleurs, elle a mis le paquet pour l'obtenir. Depuis trois semaines, elle minute la durée de ses expositions: 5 minutes de chaque côté, 3 fois par jour au début, puis 10 minutes, etc. Elle multiplie les crèmes: prébronzage, bronzage, après-bronzage, hydratante, polyvitaminée, apaisante, dynamisante, revitalisante, anti-âge,... Cela lui coûte une fortune. Mais qu'importe! Elle est en vacances pour s'amuser, pour flirter, pour séduire.
Moi, je suis coincée ici. Toute la journée, dans mon fauteuil rouge. Et je rève. Je m'imagine: belle séduisante, enjouée. Une nuée de beaux garçons me suit, m'admire, me fait la cour. Je soigne mon bronzage, je m'achète crèmes et lotions, je me pavane devant le miroir.
Mais ce n'est qu'un rève. Aline, c'est moi, vous l'aurez compris, et regardez-moi, dans mon fauteuil rouge: vous verrez bien de quelle façon je peux prendre mon pied!