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Paroles Plurielles
3 février 2007

C'était il y a trois jours (L-ys)

Je suis restée une heure environ dans la salle de bain à regarder la rue dans la fumée d'une cigarette, assise sur le rebord. J’ai encore ses longues cigarettes que je finirai de fumer pour lui. Une cannette de temps en temps, comme avant, je suis bien loin de mon côté distingué… Dehors dans la nuit noire, le néon crache comme à l’habitude son aride lumière. Cette stupeur électrique éblouit le toit, les ornements de fer, le haut des murs encrassés, les balcons, le vieux banc… Dans la ruelle, tout semble s’entasser. Le quartier est vide, c’est toujours le même décor éclairé des lampadaires urbains que je déteste. C’etait il y a trois jours, son corps bougeait sous cette lumière et je m'emplissais de son parfum. Ensuite il a plu, il a plu un épais flot de cet alcool dans son corps déjà mort. C'est après qu’il est parti sans au revoir. Pourquoi cette image ne veut plus me lâcher?

Encombrée de tous ces scooters métalliques, cette foutue rue m’obsède.. Son gémissement de solitude et d'abandon n’arrête pas. Est-ce blessure, est-ce silence? On dirait un théâtre d’ombres, il y en a même une qui bouge là-bas, dans ce rétroviseur. Quelques bruits d’acier résonnent… Et moi je reste là, errante, au bord du basculement, juste au bord et à bout de souffle, vide de sens. Fatiguée de ne pouvoir hurler je crois... Mais après tout, quelle importance puisque j'ai épousé le silence.

Bon allez, encore une dernière cigarette, après j'arrête... Oh! pis merde, j’ai la vive envie de retourner dans ma période rebelle, tagger les murs de mes pensées et me dire que tout est pourri, que j'en ai plus rien à foutre des autres puisque tu n’es plus là! Je ferme les yeux et plonge dans l'abîme.. Encore une fois me voila sombrant dans le règne de la nuit où je m'enferme, me calfeutre pour tenter de me préserver d'un monde que je ne saisis plus et qui s'éloigne dans une agitation silencieuse et sourde. Je me perds dans un ailleurs impalpable sans pesanteur, sans aspiration, sans respiration. Détachée…

Puis je reviens soudainement à la réalité, la tête baignant dans  un liquide de confusion... je rouvre les yeux apres une courte absence, comme un jour au ciel clair presque blanc où le soleil laiteux tente de percer sous le voile des nuages. Je desserre les mains timidement, ces mains restées trop longtemps fermées. Mais c’est juste par envie de les remettre au fond des siennes. Ce soir encore, j’ai refait le trajet à l'envers mais au bout, il n’est jamais là. Il ne sera plus là...

Je viens soudainement de me retourner dans  le miroir de la salle de bain... Le vide en face du miroir, c'est moi. Trop de sensibilité dans mes yeux, trop de noir sur mes joues... Le néon crache encore son aride lumière alors que lui il rayonne, si pâle dans son linceul. Je souris tristement au soleil dans ma robe noire de petite femme. Je pense à lui qui me voulait droite et sans faille, debout contre vents et marées…

J'y jetterai ses cendres demain.

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Commentaires
P
Je ne sais si c'est la sortie du film sur Edith Piaf, mais à la lecture de ce texte, c'est elle que je voyais, c'est elle que j'entendais...<br /> Merci.
L
A Thomas.
L
Très touchant !<br /> Belle écriture !
M
très fort de sobriété, ton texte est beau.<br /> Depuis que je connais Paroles Plurielles, j'attends toujours la prochaine consigne avec impatience!! alors je te comprends!! tu verras, on s'y fait... et puis Coumarine m'a conseillée de patienter avec les consignes précédentes, juste pour le plaisir. C'est bien aussi même si tu peux pas les publier ici!!! oups!<br /> au plaisir de te relire sur paroles plurielles ou peut être ailleurs
B
quelle élégance dans le désespoir ! bravo
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