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Paroles Plurielles
8 février 2007

Cris et chuchotements (Colette)

Je suis restée une heure environ dans la salle de bains.
Mon ventre était vide. Vide de vie. Vide de sens. Vide d'enfant. Moi, si exubérante, je m'éteignais à petites lampées, à petits cris. J'aurais voulu hurler ma haine à la terre entière. Etrangler ces motards qui carburaient au coca sous ma fenêtre, vomir ces femmes qui exhibaient leur ventre dans la rue, clouer le bec à ces futures mères qui étalaient leurs petits malaises, voler ces seins énormes gorgés de lait. J'aurais voulu casser les vitrines des boutiques pour bébés, barbouiller les publicités de couches-culottes, piétiner ces mamans poules qui caquetaient à la sortie des écoles. J'en voulais au bon Dieu, à l'épicière au ventre arrondi, à ma mère qui m'avait mal faite, à mon utérus qui ne tournait pas rond.

Je suis restée une heure environ dans la salle de bains. Porte verrouillée. Yeux délavés. Rage écumée. Cœur explosé.
Mon ventre était ivre. Ivre de vie. Ivre de vie à donner. Ivre d'amour à partager.
J'ai vidé la chambre d'amis, lessivé le mur de bleu pastel, lavé mes mains sales. J'ai fait rentrer le soleil et les moutons blancs, le berceau et le doudou, les couches et les lotions, le nid d'ange et les biberons, le hochet et la boite à musique.
J'ai avalé un grand bol d'oxygène, souri à l'épicière, marché le dos cambré comme les futures mamans. Je suis montée au cinquième étage de la maternité. Ca sentait le bonheur. J'ai enfilé une blouse blanche et j'ai emporté un petit paquet qui criait sa soif de vivre…

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Commentaires
L
La prochaine fois, je trouverai une occasion d'écrire sur la paternité, et venger tous les papas, ignorés, ces "remplisseurs" d'éprouvettes, ces mâles nécessaires à la maternité.<br /> Le poète raconte les champs dans le soleil ou la froidure, décrit la terre une fois couvée par la nature aimante, l'autre fois martelée sous les déluges et autres larmes de l'enfer…<br /> On parle rarement du paysans qui sème et protège la terre envers et contre tout, jusqu'à s'y briser l'échine…<br /> Ainsi vont les choses…<br /> <br /> JE PLAISANTE BIEN SÜR, TRES BEAU TEXTE !
P
Ton texte m'a beaucoup touchée d'abord par le sujet abordé mais surtout, je crois, par la manière dont il est rédigé. Il est bourré de phrases chocs qui lui donnent toute sa puissance.<br /> Aucune mère ne peut imaginer un seul instant la douleur de ne pas avoir pu ou n'avoir su faire un enfant...
R
bonjour je m'appelle sylvie et je débute dans la création de texte. Bravo ! ton récit est tellement réaliste qu'il prent au coeur et touche le ressenti. <br /> Pour revenir au travail pure de l'écriture j'admire le style, et la richesse des images.<br /> Je trouve formidable ce que permet l'écriture... un acte terrible, perd sa cruauté devant la délicatesse des mots esprimant l'amour à tout prix !
C
Tout est dit dans ce texte et il me donne l'envie de raconter ce qui suit. <br /> Il y a "quelques" années, deux de mes amies était tombées enceintes en même temps que moi. La premiére après un traitement des plus long, la seconde naturellement. A trois mois de grossesse, nous partagions nos impressions avec la première. J'étais très heureuse pour elle et un soir elle est venue m'annoncer qu'elle avait fait une fausse couche. Je me trouvais soudainement insolente vis à vis d'elle. Je ne parlais plus de ma grossesse sauf avec mon autre amie. Au retour d'un WE, au bureau, elle est absente. On m'annonce qu'elle vient de faire une fausse couche à 6 mois. Le bébé n'a pas survécu. Là encore je fus éfondrée à me demander comment j'allais gérer son retour avec mon gros ventre. Voila quelle fut le déroulement de ma première grossesse. Alors je sais qu'il faut parfois cacher sa joie et être prudente vis à vis de certaines femmes à qui il est inutile de remuer le couteau dans la plaie. Je parle rarement de mes enfants, sauf à leur demande, en présence de femmes qui n'en ont pas, surtout lorsque je n'en connais pas la raison.<br /> Colette, tu traduis parfaitement bien ce que certaines femmes stériles doivent ressentir.
C
Merci à vous tous qui m'encouragez à aller de l'avant!Je me sens portée grâce à vous!<br /> Cette fois-ci, je me demandais où naviguer...<br /> J'ai choisi une route tortueuse où les sentiments humains sont poussés au paroxysme du possible. Les femmes qui vivent cette frustration doivent vraiment souffrir intérieurement...
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