Lundi matin (Loulapoul)
Je suis restée une heure environ dans la salle de bain. Enfin, cela m' a paru une heure...
Tu pleurais derrière la porte.
Vite terminer mes ablutions, précipiter le matin naissant, lundi matin demeure un fléau.
La découverte de canettes de coca abandonnées, cabossées me rend folle, me ramène à ma solitude quand la maison est désertée.
Tu pleurais derrière la porte, je ne te consolais pas, je me fâchais comme une sotte: "pas perdre son temps, ras le bol du désordre."
Pourtant doux trésor, à quoi bon?
C'est joli dans ma mémoire, ces canettes de coca cabossées et abandonnées, témoins silencieux de la vie, de son chaos, de sa lumière et de la pluie, des bruits du jour et de la nuit, cela me rappelle les vacances, vos jeunes corps écroulés de rire, affalés dans un canapé ou vautrés sous les arbres centenaires, vos rendez-vous ici et là, toutes ces dicussions, ces chuchotements...
Une heure dans la salle de bain, l'eau coule sur moi, je rêve, je flotte, mes mains se lèvent, je voudrais me perdre dans l'eau, en faire partie, les particules de terre glissent le long de mon corps et j'entends cette voix: "file te laver les mains, tu es pleine de terre..." et tout bas dans ma tête, c'est pas sale la terre... Toi aussi, tu te fâchais, tu ne m' avouais pas ton chagrin, ta solitude, l'absurdité de l'existence, toutes ces choses qu'on découvre tout seul ...
Tu pleurais derrière la porte. Trempée par mes larmes, serrée dans ma serviette, je saute hors de la salle de bains, je t'embrasse. "Viens, mon chou, on s'habille, tu ne seras pas en retard ce matin..."