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Paroles Plurielles
18 février 2007

Les très riches (Arthur HIDDEN)

Il choisit toujours la solution la plus compliquée. C’est ce que nous avons tous cru lorsque John est revenu un jour, excité comme une puce, d’une de ses lointaines parties de pêche solitaire en haute mer. Il faut dire que notre petite communauté des Robinsons de la Fortune se lassait de ses récits, aussi interminables que monotones. Au lieu de passer à d’autres sujets plus intéressants nous pensions qu’il avait inventé cette histoire pour piquer notre curiosité. Il avait été trader dans une grande banque de Londres et il s’était arrêté de travailler pour rejoindre notre projet dès qu’il avait accumulé vingt millions de livres sterling (20.000.000 £) de primes.

L’idée du projet était simple : former une communauté de gens très riches qui achèteraient un atoll dans le Pacifique, le mettraient sur des flotteurs pour se mettre à l’abri de la fonte des glaciers, et vivraient là heureux, définitivement coupés du monde et de ses rumeurs. Nous avions un contrat avec la marine de guerre des USA pour être protégés de toutes interférences externes. Nous ne voulions pas d’enfants avec nous, les femmes en âge de procréer devaient être stérilisées, ni d’animaux domestiques. John était le seul d’entre nous à avoir des difficultés à se stabiliser, d’où ses parties de pêche ridicules, au grand dam de sa compagne Clara.   

Compte tenu de tout cela nous n’avons pas vraiment prêté attention à son premier récit d’une terre qui était en train d’émerger. De plus le soleil tapait dur à ces latitudes. Et lorsqu’il nous a dit, les jours suivants, que c’était le haut d’un petit château qui sortait progressivement de l’eau nous avons commencé à nous moquer de lui. C’était il y a trois mois.

Maintenant notre atoll est cerné par des immeubles et des maisons à moitié émergés. Pour arriver à la pleine mer il faut naviguer pendant des miles dans les rues d’une ville qui ressemble à s’y méprendre à Londres. En approchant en barque des fenêtres de la Tate Gallery on voit les œuvres d’art à travers les vitres. Si tout se passe bien nous allons bientôt vivre dans une des plus belles villes d’Europe entièrement réservée à nous, les très riches.

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Commentaires
F
Voilà un cauchemar bien écrit!
A
J'aime bien ton histoire, à prendre avec des oncettes, non ?
C
Merci pour cette très intéressante lecture Arthur.
A
Merci pour tous vos commentaires. A vrai dire j'ai été heureux de pouvoir écrire un texte qui parle de l'exclusion. Au départ je ne savais pas trop comment prendre le sujet.
F
J'aime bien l'idée du texte, les gens très riche, et le château qui émerge. Je rejoins Marie-Jeanne, cela m'a fait penser à ces villes pour vieux riches qui ont la cote aux USA (mais je crois que cela arrive en France ?).<br /> <br /> Je trouve superbe le fatalisme de la fin qui pourrait illustrer l'enfer est pavé de bonnes intentions.
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