Une drôle de tête (Lorraine)
Il choisit toujours la solution la plus compliquée. Bébé, pour
montrer qu’il existait , il se tourna brusquement sur la table à
langer et atterrit sur la tête. il en garde une bosse chevelue,
coquette mais qui attire les regards. S’il met un béret, elle pointe
par-dessous ; le feutre, lui, dérive, s’incline, l’excroissance a
chaud, plie à droite, plie à gauche,ramollit, dépasse sur le front.
Alors, maintenant, il porte le haut-de-forme. Vous direz : « C’est
bien. Au moins, on ne voit rien ». Il aurait été plus simple de
procéder à l’ablation,bénigne, affirme le chirurgien, pour changer sa
vie.
Mais il choisit toujours la solution la plus compliquée. Il n’a pas
de petite amie. Il s’est donc acheté une poupée gonflable. Elle est
plus grosse que lui. Il a du mal à la diriger. Elle vole dans la
maison. S’il monte sur une chaise pour l’attirer, d’un bond léger
elle virevolte, va de la chambre à la salle à manger, puis à la
cuisine. Il tente de l’apprivoiser. Il pense qu’elle se moque de son
excroissance mal placée, qu’elle l’apprécierait mieux ailleurs. Il
se fait des idées. Fausses, le plus souvent..
Il choisit toujours la solution la plus compliquée. Sa villa, belle,
luxueuse, il s’y ennuie. Seul avec une poupée qui répète « Je t’aime
» (il n’arrive pas à lui couper le sifflet), on peut le comprendre.
Il a décidé de déménager ; Mais, d’abord, de clôturer ses affaires.
Au bord de la mer, l’air est doux, une mouette plane, pour une fois
silencieuse. La plage est désertique, personne ne le verra. Alors,
il attache une grosse corde à la pierre d’angle de la maison, et il
tire, il tire, il tire…. Et ils basculent, ils basculent, ils
basculent….
Maintenant au fond de l’océan, il se repose ;sa bosse est devenue
une fleur. Et il entend chanter les sirènes