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Paroles Plurielles
2 mars 2007

Le trompe-l'oeil (Alainx)

Cela fait huit jours exactement que ce type, qui ne parle jamais à personne, a fini de peindre ce trompe-l'oeil à l'emplacement de l'ancienne porte d'accès du grenier à grains qu'il avait muré. Évidemment cela a intrigué tout le village, enfin, les quelques rares habitants qui ont survécu à l'exode rural. J'aime autant vous dire que « Chez Eugénie », l'unique bistrot avant 20 km, chacun y va de son petit commentaire. Comment cet étranger venu de la ville a-t-il osé ! Déjà, peinturlurer la maison de l'Ancêtre comme cela, c'est une honte ! Mais en plus la représenter « elle », sa fille, c'est vraiment faire injure au village tout entier.

Gaston a fait remarquer que souvent la lumière reste allumée toute la nuit. Ah ! Pour sûr, il doit s'en passer des choses ! Philémon suggére qu'on en parle aux gendarmes, car quand même il doit bien exister des lois interdisant de porter ainsi atteinte à la mémoire des défunts.

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- Ne respire pas si fort !, grogne Léon, en donnant un coup de coude dans les côtes d'Ernest, tu vas nous faire repérer. Il fait nuit noire. Les deux hommes ont vissé leurs yeux dans les volets à claire-voie, tentant de distinguer ce qui se passe à l'intérieur. L'étranger peint derrière un chevalet à la lueur de ce qui ressemble à une lampe d'architecte. Gaston murmura dans un souffle : « Merde ! Il est à poil ! ».

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C'est Ferdinand qui aura son heure de gloire au bistrot quelques jours plus tard. Un fin limier ce Ferdinand, un peu crapule sur les bords. Il a réussi à piquer le portefeuille de l'étranger. Et depuis ce matin il répéte à tous ceux qui entrent : « c'est le "promis" de la pendue ! Je vous jure que c'est lui ! Il est revenu ! ». Ferdinand explique aux plus jeunes comment ce fiancé l'avait retrouvée, « elle », morte, la corde au cou et se balançant au bout du crochet du grenier à grains. Elle avait sauté dans le vide parce que son père refusait le mariage. Le fiancé, on ne l'avait plus revu. C'était il y a 40 ans. Voilà pourquoi personne n'avait reconnu l'étranger qui avait racheté la maison il y a quelques mois, et qui passait ses nuits à la faire revivre en peignant inlassablement son portrait.

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Commentaires
K
J'aime beaucoup..belle écriture avec une histoire qui sonne vraie .
M
ben ça me rappelle un peu les petits villages proche de là où j'ai grandie. même moi, j'avais l'impression d'être une étrangère de passage dans le regard des autochtones, parce que je venais de la p'tite ville d'à côté!<br /> c'est très bien décrit cette ambiance de village, où il faut bien s'occuper comme on peu!<br /> on est très vite dans l'ambiance! ;-)
L
Pareil, j'ai adoré…
P
"Le village et son histoire n'appartiennt qu'aux suiveurs, pas à ceux qui osent commencer un nouveau chapitre! "<br /> <br /> woaw, quelle phrase, Fc !! superbe. je me la note dans un coin de ma mémoire... pas dit qu'un de ces quatre, je te la vole ;)))<br /> <br /> mouiouioui, je te demanderai la permission avant, promis, rho ! :op
A
fc > merci pour ce commentaire qui me fait mieux prendre conscience de mon point de vue d'auteur...<br /> Tu prend de la .... hauteur !
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