Retour aux sources ( Farfalino )

« Ca fait huit jours exactement que nous avons déménagé dans cette vieille maison en Bretagne. Nous avons enfin vidé le dernier carton. Ici, il y a moins de place qu’à Paris, notre ancienne vie déborde des placards : mon trampoline est dehors !
J’ai maintenant le temps de t’écrire comme promis. Je suis assis dans ma chambre à un vieux bureau en bois qui était déjà là.
Mon père a parlé d’un retour aux sources. Et bien je n’en ai vu aucune ! Et même que le premier jour, on n’avait pas d’eau. Peut-être qu’elles se cachent dans le jardin plein de broussailles ? »

Le garçonnet regarde rêveusement par la fenêtre en suçotant son stylo où le ciel est aussi bleu que les volets fraîchement repeints. Aussi bleu que les yeux de … Il soupire et se remet à écrire.

« Ici, c’est très calme. Papa a dit qu’il va pouvoir se remettre à son roman et Maman a déjà repéré des ballades à vélo. Quand tu viendras pendant les vacances, tu verras la mer et les falaises, c’est superbe ! Il y a plein d’oiseaux ! Dans un des tiroirs d’un autre vieux meuble, j’ai vu une paire de jumelles.»

Le petit garçon joue nerveusement avec le rabattant du pupitre en levant et le laissant retomber dans un claquement sonore comme pour remplir de vie cette maison trop tranquille. Il aperçoit quelque chose dans le coffre en dessous. Il y trouve un cahier recouvert d’une épaisse couche de poussière.
Il l’ouvre. Il reconnait l’écriture ronde, régulière et soignée de son père. Les pages sont remplies de dessins colorés et d’histoires qui parlent de lutins, de sorciers et de bêtes fantastiques. Et puis, plus loin un grand dessin d’une maison aux volets bleu ciel, avec de belles fleurs rouges. Devant, deux grandes personnes et deux enfants se tiennent par la main. Sous chacun d’eux, il reconnait un prénom : sa mamie, son papi, son oncle et son père. Une date lointaine est inscrite dans un coin. Il regarde longuement le petit personnage qui porte le prénom de son père.

« J'ai découvert un secret. Mon père a aussi été un enfant ! »

Comments

[fc]

J'aime l'annonce faite dès le début du texte: "notre ancienne vie déborde de placards" ... et ces placards sont des grottes à secrets, à non-dit, à non pensable, à impossible ... pourtant ils existent! Et l'enfant joue avec son pupitre (comme a dit Prevert) et l'enfant découvre la vie en écrivant et en lisant... son père a aussi été un enfant! Le choc! Secret souvent jalousement gardé par le monde adulte qui, pourtant, rêve si souvent de retrouver l'enfant qui sommeille!

[soleilleillune]

j ai beaucoup apprecié cette lettre envoyée...à moi sourire ,je l ai bien imaginé ce petit garcon assis a son pupître en train de sucer son stylo ...merci pour ce moment!

[Amanda]

Faut pas toujours croire les autres, Farfalino...
Imagine que ton petit garçon soit surdoué, il aurait pu connaître beaucoup plus de vocabulaire qu'un enfant ordinaire...
De toutes les façons, j'aime ce texte à la Pagnol ( oups, quelqu'un l'a déjà dit ! )
Sais-tu qu'un enfant n'aime pas trop ce genre de découverte ? Pour lui, son papa, c'est quelqu'un de grand, de fort qu'il admire.
Alors, quand il découvre qu'il a aussi été comme lui....

[Farfalino]

merci à tous !
Je rejoins Sammy sur le bémol. Cela ne fait pas "petit garçon".
Désolé, pour la faute d'orthographe, mais on a jamais assez d'ailes :)

[pati]

ce que j'apprécie dans ton texte, Farfalino, c'est la césure entre l'écrit et la pensée du petit garçon.
je ne sais pas pourquoi, mais j'ai toujours aimé regarder les gens écrire. surtout les enfants. il y a en eux une telle concentration... ils sont totalement à leur tâche, et en même temps, c'est leur sens artistique qui se dévoile, c'est un duo incroyable !

on ressent bien ça dans ton texte, bravo :)