passons (brigetoun)
Ça fait huit jours exactement que la porte de la boutique est close et que mon chemin a perdu cette station, mon petit lumignon dans la gisaille... J'allais vers elle, et je la quittais et ma déambulation quotidienne y trouvait un pôle, à la lisière du labeur. Ça fait huit jours exactement qu'au-dessus, à la place de la fenêtre et des rideaux de tulle que sa main écartait, il y a ce panneau qui commence déjà à se détacher, qui va bientôt flotter au vent.
Souvent, je vois le Louis sur le pas de sa porte ou par la porte-fenêtre à coté, qui regarde au dehors, pipe au bec, dans le vague. Il sourit un peu ironiquement, du moins je le crois.
Je passe, très digne, et j'enrage, pas pour le sourire, non, ce n'est que la suite de notre petite guerre, non mais parce que l'idiot, qu'a-t-il fait ?
Et l'autre jour, il a fait deux pas vers moi, je me suis arrêté, il m'a salué, rire bourru, et alors nous avons parlé un peu du temps, de la pèche, du maire, de tout sauf de la maison.
Je partais, le pas allongé en prévision de la côte, et il s'est décidé et m'a crié : "Elle ne reviendra pas - elle a mis en vente - elle en avait marre de nous. Va falloir trouver un repreneur, mais... alors, moi, par-dessus le panneau de l'agence, je l'ai mise, elle, là-haut. Qu'est-ce que t'en penses ?"
Et j'ai pensé : le salaud, il l'a eue et l'est pas fichu de la retenir - mais c'est vrai : devait l'aimer, il l'a réussie.