Adoption (Tanette)
Ca fait huit jours exactement que je l’ai rencontrée.
Recroquevillée derrière un container, je ne l’ai pas vue tout de suite. Quelque chose m’a guidée vers elle, j’ai découvert sous une vieille couverture, une fillette mal vêtue au regard triste, apeurée.
Je me suis approchée lentement, je lui ai souri, je lui ai parlé doucement. Petit à petit je l’ai sentie se détendre.
Un bref instant d’hésitation mais, déjà, en l’emmenant dans ma solide maison de pierre aux volets bleus, ma décision est prise : je la garderai chez moi, je la protègerai.
Je décide qu’elle y sera à l’abri des regards, des agressions de ce monde cruel qui la rejette tout comme il a rejeté ses parents reconduits à la frontière (ils lui ont conseillé de s’échapper pour qu’elle évite de subir le même sort que celui qui les attendait). C’est la triste histoire qu’elle a réussi à me raconter par bribes.
Personne ne doit savoir, personne ne doit la voir, elle sera l’enfant que je n’ai pas eu, la petite fille dont j’ai toujours rêvé. Je vais la choyer, l’éduquer, la gâter en cachette. Non, elle ne sera pas ma prisonnière, seulement mon invitée, ma compagne, ma princesse, le rayon de soleil de mes vieux jours, celle qui me sortira de ma solitude.
Je lui ai aménagé une chambre sous les toits, elle s’y réfugie dès que quelqu’un sonne à ma porte. Le reste du temps, elle me raconte sa famille qu’elle n’oublie pas, un jour nous essayerons de la contacter afin qu’elle ait des nouvelles. C’est une bonne élève, elle a une dizaine d’années et ne rechigne devant aucune tâche que je m’applique à lui apprendre, elle lit, écrit, compte, coud, elle veut essayer de faire tout ce que je fais.
Incroyable comme en si peu de temps, elle s’est adaptée, ça fait huit jours exactement.