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Paroles Plurielles
13 mars 2007

Fugue (Léa)

Ca fait huit jours exactement que la porte n'a pas bougée. Huit jours que les volets bleus de la maison sont fermés. Pas un son, pas un mouvement. Comme pour respecter ce silence, personne ne passe dans la ruelle.

Ca fait huit jours que Sophie et sa mère sont cloîtrées avec Camille, cinq ans, dans la peur de le voir arriver. Ca fait huit jours qu'elles attendent qu'il vienne la leur enlever.

Huit jours auparavant.

Il ne l'avait pas entendu lorsqu'elle avait ouvert l'armoire, ni quand elle avait empilé ses vêtements, ni quand elle avait fermé la fermeture éclair de son sac. C'était la seule solution qui lui restait pour partir. S'il avait connu ses intentions, il aurait été capable de la frapper sous le coup de la colère. Il l'aimait, elle en était persuadée, mais il l'aimait à l'en empêcher de vivre. Il avait toujours un reproche à lui faire, pour la rabaisser, la détruire peu à peu. Elle ne disait jamais rien, par peur. Alors il ne lui restait plus qu'à partir, partir très loin de lui au milieu de la nuit. Elle avait planifié cela depuis des semaines. Elle allait emmener Camille chez sa mère et elles allaient y rester le temps d'être à l'abri.

Gare du Nord. Un train. Une heure plus tard, elles étaient devant la maison. Sa mère y avait emménagé à la mort de son mari, quelques années plus tôt. Elle avait alors choisi la campagne, pour pouvoir avoir un jardin et y installer une balançoire pour sa petite fille. Cette maison était attachante avec ses briques rouges,  ses volets bleu lavande et ses parterres de fleurs.

A cette heure si, la maison semblait muette. Il était encore un peu tôt, c'est vrai. Pourtant sa mère était déjà levée et faisait comme à son habitude ses mots croisés dans la cuisine.

-Bonjour maman, bredouilla-t-elle avant de fondre en larmes.

Ca fait huit jours exactement que la porte n'a pas bougée. Huit jours que les volets bleus de la maison sont fermés. Ca fait huit jours qu'elles attendent, qu'il vienne la leur enlever.

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Commentaires
M
Un drame familial où la mère a pris la fuite avec la petite, il s'en passe malheureusement beaucoup dans notre monde. Triste histoire, où la peur de la réapparition du conjoint est très bien rendue. Bravo pour ton texte !
F
Ce texte sombre est assez clair pour moi. La vie tourmentée même après l'évasion fait froid dans le dos.
C
bienvenue léa...<br /> Même s'il est issu d'une nouvelle, ce texte court est tout à fait compréhensible, pour moi.<br /> Et très touchant<br /> une femme victime du harcèlement, d'un mari manipulateur<br /> seule issue: fuir, se cacher, dans la peur, l'attente<br /> Sobrement raconté, et émouvant<br /> Bravo, Léa
L
Tout d'abord merci beaucoup... Je m'attendais pas à tant de commentaires! "Elle" c'est effectivement la petite fille, Camille. Pour info, ce texte est à la base beaucoup, beaucoup, beaucoup plus long! C'est toute une nouvelle que j'avais écrite bien avant que cette consigne apparaisse et qui en fait colle étrangement bien avec le sujet et la maison bleue. Donc je l'ai un peu transformé pour l'occas' d'où peut être quelques petites choses pas très très claires, mais comme je connais la texte, j'ai du mal à m'en apercevoir. <br /> En tout cas merci beaucoup!
P
... ce qui veut dire que même en croyant trouver enfin la liberté, il n'y a toujours pas de vie possible! Terrible cette histoire.
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