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Paroles Plurielles
15 mars 2007

Densité lourde (Cédric)

«  Il faut que je vous dise… J’ai menti ! »

Malgré le léger trouble que cette phrase provoque en moi, je ne cille pas, je suis depuis trop longtemps à la crim pour me laisser abuser aussi facilement.

«A quel propos? L’endroit où tu as déposé le cadavre?"
-  Non, à propos du fait que je l’ai pas tuée, la petite!
-  Et tes aveux ? Tu les oublies ? Ça marche pas avec moi ce petit jeu-là. Allez, c’est ta dernière chance de montrer un peu de courage dans toute cette sale affaire, manque pas cette unique possibilité.
-  J’ai rien fait. On m’a extorqué les aveux. C’est toi qui dois faire preuve de courage et m’écouter, j’suis sûr que tu connais l’affaire Dils…
-  Il avait 17 ans, t’en as le double. Oublie pas que tu as dit vouloir tout déballer pour soulager ta conscience, juste avant de passer aux aveux. Tous les indices dont on dispose peuvent servir de preuves devant un tribunal, il ne manque plus que le corps, joue pas au plus malin… »

Je le regarde baisser la tête devant cet étang où il nous a amenés. Le soleil, à cet instant bien haut dans le ciel, donne à l’air une densité lourde qui m’étouffe, je me sens mal à l’aise avec ce meurtrier à mes côtés dans ce cadre si beau et si tranquille où j’aurais pu venir me promener avec ma petite-fille. Non… Ne pas mêler des images de bonheur avec ces horreurs… Séparer mon boulot et ma vie en dehors… Mais y’a rien à faire, à chaque affaire je pense aux miens… Trop douloureux… Laisser ma petite-fille en dehors de tout ça, bon sang!

«  J’ai faim, j’veux m’en aller, je l’ai pas tuée. »

Il a l’air décidé à ne pas coopérer cette fois-ci. Il va falloir le laisser réfléchir. Je sais qu’il va de toute façon finir par parler. Allez, en route.

«  On y va les gars. Ramenez-le au fourgon. »

Je me retourne une dernière fois avant de quitter les lieux, j’aperçois au loin, à l’autre bord de l’étang, un petit objet qui flotte… Ou plutôt… C’est… C’est ça… C’est une main d’enfant.

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Commentaires
F
J'avais eu la même idée. J'aime beaucoup l'idée la barricade élevée contre l'horreur. ca rejoint des propos tenus dans les bonus de l'excellent film "Le petit lieutenant" par le réalisateur, Xavier Beauvois.<br /> <br /> Convernant la procédure, difficile dans le cadre de Paroles Plurielles, de faire des recherches pour être plus réaliste et vraisemblable. Il faut être du métier :)
C
Merci Sammy,<br /> <br /> En fait, l'image que j'avais en tête, c'était que le corps de la petite était coincée dans les branchages et racines des arbres du bord de l'étang, le corps complètement immergé et difficile à repérer n'offrant au regard qu'une petite main qui, seule, flotte. Si le cadavre était au milieu de l'étang, en effet, il aurait flotté tout entier, et il ne faut pas être un meutrier pour savoir ce genre de chose ;-)...tiens, ça me fait penser à "c'est arrivé près de chez vous" où Poelvoorde explique comment lester les corps pour qu'ils ne remontent pas...bon j'arrête là le cynisme glauque...:-)
S
J'aime beaucoup cette manière de polar résumé. D'accord avec Arthur H. : la main de la fin, c'est un peu faible. Les petits problèmes relevés par AlainX ne m'ont pas choqués, même si il a raison, il faut bien le reconnaitre. Mais cette main, comment dire ? Ca introduit un changement de rythme, on quitte un récit tout en affrontement psychologique (le silence du meurtrier, l'émotion refoulée du flic) pour entrer dans le fantastique glauque... les mains ne sortent pas toutes seules des étangs... les corps ont plutôt tendance à flotter sur le ventre en général. (non, non, je n'ai noyé personne :-p )<br /> <br /> Ce que j'ai préféré dans ton texte, c'est le dialogue, il est vraiment très bien rendu. Très bonne ambiance, les mots employés par les protagonistes font "vrais" et je touve que ça, c'est important.
A
Un seul regret: la main qui apparaît me semble une chute un peu faible par rapport à ce qui précède.
G
Même sensation que le texte de lorraine, ton titre resume vraiment l'atmosphère de ton recit
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