Densité lourde (Cédric)
« Il faut que je vous dise… J’ai menti ! »
Malgré le léger trouble que cette phrase provoque en moi, je ne cille pas, je suis depuis trop longtemps à la crim pour me laisser abuser aussi facilement.
«A quel propos?
L’endroit où tu as déposé le cadavre?"
- Non, à propos du fait que je l’ai
pas tuée, la petite!
- Et tes aveux ? Tu les oublies ? Ça marche pas avec
moi ce petit jeu-là. Allez, c’est ta dernière chance de montrer un peu de
courage dans toute cette sale affaire, manque pas cette unique
possibilité.
- J’ai rien fait. On m’a extorqué les aveux. C’est toi qui dois
faire preuve de courage et m’écouter, j’suis sûr que tu connais l’affaire
Dils…
- Il avait 17 ans, t’en as le double. Oublie pas que tu as dit vouloir
tout déballer pour soulager ta conscience, juste avant de passer aux aveux. Tous
les indices dont on dispose peuvent servir de preuves devant un tribunal, il ne
manque plus que le corps, joue pas au plus malin… »
Je le regarde baisser la tête devant cet étang où il nous a amenés. Le soleil, à cet instant bien haut dans le ciel, donne à l’air une densité lourde qui m’étouffe, je me sens mal à l’aise avec ce meurtrier à mes côtés dans ce cadre si beau et si tranquille où j’aurais pu venir me promener avec ma petite-fille. Non… Ne pas mêler des images de bonheur avec ces horreurs… Séparer mon boulot et ma vie en dehors… Mais y’a rien à faire, à chaque affaire je pense aux miens… Trop douloureux… Laisser ma petite-fille en dehors de tout ça, bon sang!
« J’ai faim, j’veux m’en aller, je l’ai pas tuée. »
Il a l’air décidé à ne pas coopérer cette fois-ci. Il va falloir le laisser réfléchir. Je sais qu’il va de toute façon finir par parler. Allez, en route.
« On y va les gars. Ramenez-le au fourgon. »
Je me retourne une dernière fois avant de quitter les lieux, j’aperçois au loin, à l’autre bord de l’étang, un petit objet qui flotte… Ou plutôt… C’est… C’est ça… C’est une main d’enfant.