Ma vie pour un mensonge (Miss Alfie)
Il faut que je vous dise… J’ai menti ! Ne me regardez pas comme ça… Je sais que je vais mourir, alors laissez-moi, laisse-moi, mon chéri, te raconter…
Tu te rappelles, j’en suis sûre, de ce jour où tu as signé ce papier, où tu m’as emmenée dans cette clinique très privée et très secrète, où la discrétion t’était assurée. Tu m’y as entraînée sans que je réalise, plongée dans les vapeurs d’un sommeil provoqué par les whiskys que je venais de combiner avec mes anti-dépresseurs.
Tu m’as laissée avec ma valise dans le hall. Tu m’as fait un baiser sur la joue et tu as caressé mon visage avec la paume de ta main. Je crois que je devais pleurer… En tout cas, mon cœur pleurait, si moi je te paraissais stoïque…
Mais ce jour-là, ce ne fut que le début. Le début de mes séjours dans ces chambres aseptisées, dans ces bâtiments chics et élégants, au milieu de femmes aux maris tout aussi riches que toi, qui cherchaient la discrétion pour soigner les hystériques que Dieu leur avait donné pour compagnes…
Et en même temps, ce jour-là, ce fut la fin de mes cauchemars, la fin de mes angoisses. J’étais protégée désormais. Tout cela était arrivé sous le coup de la folie. Cette folie qui m’habitait et me conduisait droit dans ces établissements haut de gamme, gentiment appelés maisons de repos. Asiles de folles, prisons de meurtrières, nids d’assassines: voilà qui leur aurait mieux convenu…
Et moi, j’étais une des leurs. Une de celles qui, sans jamais avoir osé l’avouer, avait participé à la chute de son bébé dans la rivière. Une de celles qui l’avait regardé dériver au fil de l’eau. Je devais être la seule, la seule femme qui t’intéresserait, à jamais, la seule dont tu t’occuperais…
Oh, tu l’as bien fait d’ailleurs, tu as pris soin de moi, tu m’as trouvé les plus grands spécialistes et les meilleurs traitements. Mais tu n’as jamais su que ma folie n’était pas venue avec la mort de ta princesse, de votre princesse, à toi, à ton père, à ta mère, à vous tous ! Non… Ma folie, c’est elle qui l’a tué…