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Paroles Plurielles
19 mars 2007

Les eaux mortes de l'oubli (Céline Tricotinages)

Il faut que je vous dise... j'ai menti.
De cette voix douce et mélodieuse, de ces mots rares en suspens comme posés sur un fil.
Avec mes airs de petite fille fragile. Les yeux fuyants d'une timidité feinte.
De ces longs poignets graciles auxquels s'accrochaient mes doigts agiles.

Il faut que je vous dise… j'ai menti.
De mes oreilles distraites j'entendais le murmure acide de vos jalousies putrides.
Et j'observais, enfonçant mon crâne entre les épaules, votre petit coin de sourire comblé.
Et je m'effaçais et m'effaçais encore dans les eaux mortes et stagnantes de vos narcissismes.

Il faut tout de même que je vous dise… J'ai menti.

Vous m'avez si bien appris la discrétion, qu'au bord de ce lac d'eaux mortes, j'ai voulu vous présenter mes progrès. Voyez vos paroles fétides, comme mes doigts, ont grandi.
Derrière mes airs de petite fille fragile, les yeux fuyants d'une timidité feinte, la mémoire engrangeait, étiquetait méticuleusement les souvenirs de famille.
Tandis que ces longs poignets graciles auxquels s'accrochent mes doigts agiles malaxaient leur tendre vengeance.

Il faut que je vous dise… Je ne disais rien, et pourtant j'ai menti.
Entre ces longs poignets graciles auxquels s'accrochent mes doigts agiles, vous voilà à user l'adjectif avec tant de parcimonie ! Quoi, vous ne sauriez plus comment me définir ? Allons, allons dites encore ! Que je vous lave de vos verbes si finement ciselés dont vous me faisiez la grâce de me vêtir. Votre cou, entre le pouce et le majeur, paraît soudain si pâle dans l'eau croupie !   

Il faut que je vous dise… J'aime les eaux mortes de l'oubli.

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Commentaires
S
J'aime beaucoup la musicalité de tes mots. C'est une petite ritournelle assassine qui sort d'une boîte à musique tâchée de sang. Des sonorités lancinantes, des répétitions hypnotisantes (merci sodebelle), une terreur glaciale qui se distille tout doucement. C'est vraiment très bien. Et n'exagère pas trop l'autocritique ;-) Ce titre est excellent, et le voir répété en phrase finale a un je ne sais quoi qui vous glace le sang. J'adore cette délicieuse terreur.<br /> <br /> PS : Dans la phrase "De ces longs poignets graciles auxquels s'accrochaient mes doigts agiles", c'est plus le "auxquels" que le "s'accrochaient" qui me choque, c'est dire si c'est vraiment un détail mini, mini, microscopique. C'est vraiment un très bon texte.
S
on ne se flagelle pas!<br /> si le public est content, faut pas se torturer<br /> et puis, on peut toujours faire mieux la prochaine fois (dit celle qui n'est jamais contente de ses textes!= je te comprends tb)
C
merci pour vos commentaires. Mais les doigts "accrochés" aux poignets... bof, bof..<br /> Je n'aime pas le titre non plus.. trop pas assez original. je ne me suis pas relue.
P
oui, texte envoutant. on se perd dans cette fange poétique, avec délectation, jusqu'au final, attendu, certes, mais très bien amené :)
S
les répetitions m'ont hypnotisée: un discours pourtant bien innocent qui laissait prévoir une fin qui l'est bcp moins.
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