Les eaux mortes de l'oubli (Céline Tricotinages)
Il faut que je vous dise... j'ai menti.
De cette voix douce et mélodieuse, de
ces mots rares en suspens comme posés sur un fil.
Avec mes airs de petite
fille fragile. Les yeux fuyants d'une timidité feinte.
De ces longs poignets
graciles auxquels s'accrochaient mes doigts agiles.
Il faut que je vous
dise… j'ai menti.
De mes oreilles distraites j'entendais le murmure acide de
vos jalousies putrides.
Et j'observais, enfonçant mon crâne entre les
épaules, votre petit coin de sourire comblé.
Et je m'effaçais et m'effaçais
encore dans les eaux mortes et stagnantes de vos narcissismes.
Il faut tout de même que je vous dise… J'ai menti.
Vous m'avez si bien appris la discrétion, qu'au
bord de ce lac d'eaux mortes, j'ai voulu vous présenter mes progrès. Voyez
vos paroles fétides, comme mes doigts, ont grandi.
Derrière mes airs de
petite fille fragile, les yeux fuyants d'une timidité feinte, la mémoire
engrangeait, étiquetait méticuleusement les souvenirs de famille.
Tandis que
ces longs poignets graciles auxquels s'accrochent mes doigts agiles malaxaient
leur tendre vengeance.
Il faut que je vous dise… Je ne disais rien, et
pourtant j'ai menti.
Entre ces longs poignets graciles auxquels s'accrochent
mes doigts agiles, vous voilà à user l'adjectif avec tant de parcimonie ! Quoi,
vous ne sauriez plus comment me définir ? Allons, allons dites encore ! Que je
vous lave de vos verbes si finement ciselés dont vous me faisiez la grâce de me
vêtir. Votre cou, entre le pouce et le majeur, paraît soudain si pâle dans l'eau
croupie !
Il faut que je vous dise… J'aime les eaux mortes de l'oubli.