Liens du mariage (Papistache)
- Il faut que je vous dise... j'ai menti. Je n’étais pas au Festival des jardins. Je vous ai épiée, Blanche, tapi derrière l’osmonde royale. Vous avez quitté votre robe, l’avez suspendue aux branches et vous avez plongé. Quand vous n’avez pas reparu après deux minutes, mes soupçons se sont confirmés.
Trente-cinq minutes sous l’eau. Je n’étais pas inquiet. Mon cœur battait, comme toujours : quarante-cinq pulsations à la minute. Mille cinq cent soixante-quinze pulsations. Vous êtes sortie de l’eau et votre corps n’était pas mouillé. Les dernières écailles qui couvraient votre ventre et vos cuisses se sont lentement résorbées sous l’effet du soleil déclinant.
- Vous aviez promis de ne jamais me suivre, Roger.
- Je vous avais précédée, Blanche.
- Comment avez-vous su ?
- Vos cheveux ! Au retour de vos promenades, leur éclat métallique. Surtout... cette lentille d’eau, collée derrière votre oreille, hier soir. Blanche ! je vous ai ravi un secret.
Acceptez ma confession ! Quand vous me croyez absorbé par l’écriture, la nuit, je...
- Chut ! Pourquoi croyez-vous, Roger, que vous ne trouviez jamais la fenêtre fermée à votre retour ?
- Depuis quand ?
- Nous étions jeunes mariés encore. Votre affliction, Roger, devant les cages, fussent-elles vides. Ces plumes
inexplicables, le matin, sur votre oreiller. Votre empressement à les faire disparaître. Votre barbe...
- Ma barbe ?
- Votre barbe, si douce au matin. Du duvet à votre âge...
- Laissez-moi vous dire...
- Roger ! Votre vérité est-elle plus belle que la chimère que j’ai enfantée au long de ces années passées à vos côtés ?
- Blanche ?
- Roger !... Ne changez pas !