Il faut que je vous dise... (Victoria)
Il faut que je vous dise... J'ai menti. Mais je suis de bonne foi, Monsieur le juge. Je vous assure, j’ai vraiment cru l’avoir abandonné ici au bord de cet étang. Je suis partie sans me retourner, soudainement forte de mon acte posé, d’avoir eu enfin ce courage qui m’avait si longtemps manqué. Et sur le coup çà m’a même semblé facile, ce n’était pas aussi déroutant que je ne l’aurais cru. Parti, noyé dans mes souvenirs. Mais je me suis menti, Monsieur le Juge, en croyant que j’avais réussi à l’oublier et que je pouvais observer cet étang sans trembler. Pourtant je vous assure, j’ai essayé tant et tant de fois de l’oublier, que, de fatigue, j’ai cru que mon cœur finirait par se lasser. C’est ce que je croyais, mais en regardant cette photo je dois bien vous l’avouer, j’ai menti. Je n’arrive pas à l’effacer de ma mémoire et en eaux troubles mon âme demeure, perdue au milieu de cette forêt dénudée. Et j’espère l’apercevoir au détour d’un sentier, même si je sais qu’il vit quelque part et que je ne suis plus dans ses pensées. J’ai menti Monsieur le Juge on n’impose pas le silence à son cœur, on ne choisit pas le moment de la guérison et la souffrance demeure. Pour combien de temps encore, je ne le sais. Je demande au tribunal de la raison que vous présidez un peu de patience à mon égard, une libération conditionnée à l’oubli qui, un jour, finira je le sais par arriver.