Rê-vi-mobile (Miss Alfie)
J'ai presque une heure d'avance.
Il y a du monde. Enfin, il doit y avoir du monde...
Je vois ces chaussures alignées. Mais moi je suis nu-pied...
Les chaussures commencent à bouger, toutes en même temps, un ballet harmonieux de bottines, pied gauche, puis pied droit.
Je voudrai bouger moi aussi, mettre mon pied gauche devant, puis mon pied droit.
Je vois les chaussures se rapprocher de moi.
Elles commencent à former un cercle autour de moi.
Je n'arrive pas à soulever mes jambes, je n'arrive pas à sortir de ce sable qui semble m'engloutir peu à peu...
La lumière est de plus en plus criarde, elle me fait mal aux yeux.
J'ai froid, pourtant j'ai mis mon pardessus en laine.
J'essaye de crier, le cercle se resserre autour de moi, il y a des dizaines, des centaines de paires de chaussures qui se rapprochent de moi.
Je sens une main sur mon front. Un peu d'eau coule le long de ma tempe. J'ouvre péniblement les yeux.
Elle se tient à côté du lit. Elle porte sa robe de laine verte, celle qu'elle ne veut pas jeter alors qu'elle est usée.
Elle prend ma main et l'embrasse, se lève et laisse la place à l'infirmière qui vient faire mes soins.
Je suis allongé là, sans pouvoir bouger.
Mes escarres me font souffrir. Mes talons sont deux trous béants qui
ne veulent pas se refermer.
Mon Dieu, que suis-je devenu...