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Paroles Plurielles
8 avril 2007

J'ai presque une heure d'avance... (Lunar Caustic)

J'ai presque une heure d'avance, le quartier est désert. Je marche sous les toits enfumés et des fleurs de tilleul me glissent entre les mains. La ville me pèse, l'air est tiède. Je cherche, en traînant les pieds jusqu'au boulevard, quelque chose à inscrire sur mon vieux carnet. De la lumière filtre par endroits, au-dessus d'un bar-tabac, une silhouette par exemple, c'est bon signe, je me le répète tout bas. Je ne peux m'empêcher de penser à Lefloch, son imperméable beige, toujours le même, qu'il jette méthodiquement sur le petit fauteuil du salon, son eau de toilette poussiéreuse, son sourire usé, ses gestes qui m'implorent et qui finissent par ces quelques billets passés de main en main. Il m'a reconduit à la porte et je me suis retrouvé seul encore une fois. J'ai respiré un grand coup. Dehors, Paris étouffait. Je ne suis pas rentré tout de suite, j'ai pris une direction puis une autre, j'avais d'autres rendez-vous, d'autres raisons de ne pas devenir fou. J'ai avancé dans la nuit, j'ai suivi la progression du silence et je sentais la peur monter en moi. Ca me convenait, j'avais du mal à respirer, une odeur âcre. J'étais distrait de toi.

Je suis resté longtemps aux abords du jardin des Tuileries. La grille était fermée, des rumeurs lointaines derrière moi. Des taxis font la ronde, je finirai par en prendre un. Il y a des questions que je ne t'ai jamais posées. Depuis qu'il reste si peu de toi, je les garde au chaud et je n'y touche pas. Un homme est là, qui s'avance, il remonte peut-être à la surface, lui aussi, les noms de rues, les cafés, les trottoirs et les façades qu'il pensait perdus. Je me dis qu'il est encore temps. Je crois me souvenir de son visage. Le témoin d'une autre de mes errances à travers la nuit. Je le laisse s'approcher. Maintenant, j'attends que le jour se lève.

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Commentaires
L
Je dois dire que les repères me manquent aussi, c'est sûrement le début de quelque chose, j'avais dévoré plusieurs livres de Modiano avant, ceci expliquant peut-être cela. Merci à tous.
K
Belle atmosphère ...vagabondage d'écrivain.
P
Il cherche et on cherche avec lui.<br /> Ce serait trop facile de dire ce qu'il cherche, des fois qu'on réussirait à l'aider.<br /> Il cherche mais il n'essaie pas de trouver.<br /> Pour moi, c'est un chercheur qui cherche. <br /> Depuis longtemps. Pour encore longtemps.<br /> <br /> Lancinant.<br /> <br /> Perroquet violet sur la pointe de mon pied.
M
J'aime bien l'ambiance, mais ça manque un peu de repères pour moi... quelles sont ces tractations ; qu'est-ce qu'il vend, qu'est-ce qu'il achète ; il reste si peu de qui : une femme, une ville ?<br /> <br /> Mais je m'y laisse prendre quand même, et j'erre dans ce texte comme ton personnage dans sa ville ;-).
P
J'aime bien cette balade nostalgique, mélancolique, presqu'un peu glauque dans le Paris d'un noctambule esseulé...<br /> Merci.
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