Son dernier combat (Pluto)
" Et maintenant, ça suffit ... "
Un grand soupir de soulagement, la semaine se termine. Et le piano mécanique de continuer sa partition. Plus que quelques minutes, heureusement.
Toujours est-il qu'il trône, impérial, face à l'église. Un son strident, une torture insoutenable, comparable à la craie crissant sans fin sur le tableau noir.
Les deux bancs de la place sont désertés : plus de « vieux de la vieille », et c'est triste. Même l'office du Dimanche a été perturbé. L'organiste a eu beau pousser le son à fond, les pratiquants bomber le torse pour chanter à tue-tête, le prêtre tonner de sa grosse voix pendant le sermon, rien n'y a fait, l’office a dû être écourté d’une durée de vingt minutes.
Une fois le piano mécanique branché, le maire s’est rendu compte de son erreur. En signant pour cette manifestation d’une semaine, il a compromis ses prochaines élections, c'est sûr ! Mais impossible de se rétracter. Pour éviter la destruction du piano, il a même dû embaucher des vigiles, des « étrangers ». Du jamais vu au village !
Impossible de fermer l'oeil, les habitants sur la place ont momentanément quitté leur demeure pour se faire héberger par des amis. Commerces désertés, la place est morte pendant une semaine.
... Dernière note, puis le silence. Surréaliste.
La place est toujours là, hébétée, sonnée, comme sortant d'un combat épuisant.
Tous sont venus. Ils ont brûlé le piano dans une joie vengeresse.
Seule la partition en a réchappé. Un coup de vent subtil l’a menée telle une colombe, dans les mains du pianiste amateur qui a fini par déchiffrer celle-ci. Un éclair de génie l’a mené à transposer les notes en mots. Il en a tiré une curieuse phrase, que les villageois ont mis au fronton de la mairie : " La corbeille de la cathédrale contenait un citron ..."