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Paroles Plurielles
28 avril 2007

Conférence (brigetoun)

« Ma voiture n’a pas démarré ce matin… » j’ai soufflé cela, assez fort cependant pour être entendue de tous, face aux visages neutres, désapprobateurs ou étonnés qui se tournaient vers moi, debout sur le seuil, un peu déstabilisée par mon petit saut de rétablissement puisque, bien entendu, j’avais trébuché sur la dernière marche - seule, face au groupe qui avait eu le temps de se constituer pendant mon quart d’heure de retard, majoritairement masculin, avec cependant une femme de mon âge, un peu large, assurée, regard neutre sous une souple permanente blonde, ongles peints et bagues, tailleur affichant son prix et la neutralité de son style et, un peu plus loin, une longue trentenaire, chignon strict, long cou, fin visage dont le profil ne pouvait être qu’aigu, des yeux aussi bleus que froids, qui me toisait avec un fin sourire légèrement condescendant. La conscience que j’avais de la déroute de mes cheveux, de la rougeur qui menaçait si visiblement de m’envahir, a atteint, puis dépassé, le niveau de la panique, et, enfin, mon pouls s’est calmé.

En glissant le long de la table de conférence, accompagnée de quelques murmures polis, et de quelques sourires, jusqu’à la place libre que j’avais repérée sans en prendre conscience, je me suis demandée ce qui m’avait amenée à prononcer cette phrase : besoin de s’excuser sans doute – certes - mais aussi d’être conforme, que mon excuse me range parmi vous, dans votre normalité.

Je me suis assise, en prenant bien soin que ma chaise ne racle pas les dalles, j’ai  sorti mon dossier, écoutant pour déterminer à quel point de la loi, de l’étude de sa mise en pratique, ou, pour certains, des failles qu’elle pouvait présenter, je vous avait interrompus. J’ai levé la tête en entendant évoquer un article que j’avais trouvé spécialement intéressant, pour créer effectivement une certaine clarté, un apaisement, et je t’ai vu, assis en face de moi, avec un petit sourire ironique, mais bienveillant, les sourcils très imperceptiblement levés. Le temps d’un échange de regards, je t’ai remercié, intérieurement, parce que tu n’allais pas souligner, même en plaisantant, cette vérité : l’inexistence de cette voiture que je venais d’accuser, et puis j’ai levé un peu la main et pris la parole.

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Commentaires
S
moment de malaise tb rendu.
Y
J'ai bien aimé l'histoire, bien racontée; j'ai beaucoup aimé la dernière phrase.
M
Ah oui, on a tous connu des moments comme ça. Tu racontes tellement "vrai" qu'on s'y croirait!
C
Désolée pour les fautes, il est tard (tôt?) et mon cerveau est un peu embrumé.
C
C'est marrant...on aurait presque assisté à la même conférence. Tu as aussi loupé ton avion ? <br /> J'aime bien le texte, il dépeint tout à fait ce sentiment coupable d'arriver en retard...<br /> Quant aux excuses...il en existe des tonnes, je crois même que certains en on écrits tout spécialement pour les retardataires chroniques comme moi <br /> "L'oiseau s'est envolé de la cage..."
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