Dans les transports en commun (Yedidia)
Ma voiture n'a pas démarré ce matin. J'ai eu beau supplier, menacer, prier, insister... elle n'a rien voulu entendre.
Je suis rentrée à la maison, j'ai appelé le bureau pour prévenir de mon retard, et j'ai fièrement sorti le planning des autobus. J'en prends un à chaque rentrée scolaire, en me disant qu'il me servira peut-être un jour comme aujourd'hui.
J'en rêve un peu - ça me rappellerait mes années de jeunesse, l'époque où j'étais farouchement anti-voiture, où je poursuivais mes rêveries de la nuit dans le métro et je dévorais des romans dans le bus... avant de devenir adepte du vélo. Avant l'auto.
Alors aujourd'hui c'est le jour. Je n'arrive même pas à être irritée par la contrariété.
Pied de grue sur le trottoir - il n'y en a pas souvent, des autobus, dans mon petit quartier résidentiel, et celui-ci est en retard. Le voilà qui tourne la rue. Pas grand monde. Des lycéens, beaucoup de femmes. Ceux-ci doivent se croiser tous les matins, et pourtant ils ne se regardent pas. J'entends les fréquences aigues d'un lecteur MP3 à côté de moi. Quelques magazines ouverts, un livre ou deux. Les gens ont tous l'air de regarder à l'intérieur de leur tête.
Moi je fredonne « prendre ma place dans le traffic ». Aujourd'hui, je ne suis pas à ma place, je regarde la rue, je regarde les gens. Aujourd'hui je profite.
Dans cinq minutes, la gare, une autre attente, d'autres gens. J'arriverai en retard au bureau, mais sans avoir traversé les traditionnels bouchons. En attendant, je rêve. Ce matin ma voiture m'a rendu ma liberté.