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Paroles Plurielles
1 mai 2007

La ligne 33 ( Kloëlle)

Ma voiture n'a pas démarré ce matin. Elle avait le ronronnement asthmatique des mauvais jours. L'humidité, elle n'a jamais aimé : une coquetterie de vieille dame. Il soufflait un vent à décorner les boeufs et des nuages charbonneux menaçaient au-dessus de la ville, mais je n'ai pas insisté. J'ai serré mon trench-coat et je me suis jetée dans les rues désertes, tête baissée pour tenter de contrer les rafales.

Autour de moi les résidus de la société de consommation virevoltaient en un ballet inquiétant et pourtant presque gracieux. J'étais seule dans cet enfer ligné au fusain, à slalomer entre les poubelles éventrées, à sautiller par-dessus des pots de fleurs qui avaient perdu leur rebord de fenêtre. Je m'agitais fébrilement sur cette marelle géante quand une pluie serrée et mordante s'est abattue sur moi. La tempête allait crescendo.

J'ai couru aussi vite que me le permettaient mes escarpins pour rejoindre l'abribus de la rue Monzani et c'est trempée, les cheveux et les vêtements collés à la peau que j'ai constaté dépitée que mon refuge avait plié sous la violence du vent.
Je me suis laissée tomber entre deux voitures, j'avais froid, j'avais peur et je me suis mise à pleurer, comme une enfant, à chaudes larmes.
C'est à ce moment là qu'est arrivé le bus de la ligne 33.
Il s'est arrêté devant feu l'arrêt Monzani, et j'ai sauté à l'intérieur.
Il était bondé.
Des hommes, aux cheveux courts et noirs, tous penchés sur le même livre sombre, impassibles, concentrés sur leur lecture et faisant totalement abstraction du déluge.
Et puis il y avait cet homme, le seul debout, qui me regardait avec un étrange sourire.
Je me suis retournée pour descendre, prise par l'angoisse jusqu'à la nausée mais déjà le bus avait repris sa route, il tanguait même subitement sous les assauts de la tornade. En une fraction de seconde, nous tournions dans l'oeil du cyclone plus vite qu'une toupie.
J'ai hurlé.

- Elle revient à elle ! mademoiselle, mademoiselle ?
- Que s'est-il passé ?
- Rien de grave, un pot de fleur qui n'a pas résisté au vent, on vous a retrouvé inconsciente à côté de votre voiture.

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Commentaires
S
angoissant et bon.
O
J'ai beaucoup aimé.<br /> Du début à la fin.
A
L'atmosphère de la ville, envahie de détritus est saisissante. Petit à petit on bascule dans le fantastique et pui arrive la chute, et tout s'éclaire. Génial
K
Merci....
C
Ton texte me plait. Et la chute (dans tous les sens du terme) est bien amenée.
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