Des mots pour le dire (rsylvie)
Il était là, assis à coté de moi… je le regardais à la dérobée, n’osant affronter son regard de face.
Oui j’étais rentrée tard…. Et alors, j’ai le droit. J’suis majeure ! J’ai plus de compte à lui rendre, à ce vieux fou. Qui se prend pour mon père. Sous prétexte qu’il avait engrossé cette femme, que je dois appeler maman... Non mais, de quel droit venait-il me faire la leçon, cet ivrogne, saoul, du matin jusqu’au soir? J’suis pas sa fille. Et puis même, si j’l’étais. Il y a longtemps que je les aurais reniés, lui, sa pouffiasse et le bâtard de pignouffe qui m’appelle sa grand’sœur…
Mais il va me laisser à la fin. J’ai besoin d’air moi, j’suis libre. Mais qu’il s’en aille ce connard !
- Dites la gamine, vous allez vous calmer? me crie dans les oreilles un vieillard assis sur un banc, tout à coté du mien.
- Que vous soyez ivre passe encore. Mais, que vous m’insultiez, je ne peux pas le tolérer ! Vous m’entendez bien Petite, je ne suis pas un connard !»
Je regarde mon interlocuteur. Il n’est pas vraiment vieux, mais les blessures du temps semblent avoir creusé de profonds sillons le long de ses joues. Ses cheveux, très propres, se sont éparpillés aux vents d’hiver et ses doigts, ouverts sur le monde, sont bien usés d’avoir tant serré de mains. Car l’homme qui est là, à coté de moi, vend des mots. C’est l’écrivain public. Dans le quartier, tout le monde le connaît. C’est un gentil bonhomme qui vous aide à mettre des phrases bout à bout, pour en faire une belle histoire. Sous ses airs de charclo, c’est qu’il est très intelligent… Mais, faudrait quand même pas qu’il croie pouvoir me commander !
« Dites petite, vous allez cesser de me dévisager de la sorte ! Auriez-vous quelques soucis à mon encontre?
Ouah ! qu’est-ce-qui m’dit?
"Seule l'écriture te sauvera de la gueule de bois"
- Eh ben on est pas couché mon coco! J’vais t’en donner des moyens de concrétiser ton amour de la langue française !»