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Paroles Plurielles
21 mai 2007

le pantin (Pati)

Immobile devant la glace de ma salle de bains. Je détaille ma peau flasque, mes yeux tombants, mes jambes décharnées. Qu'il est terrible de vieillir ! Voir son corps se ratatiner un peu plus chaque jour, s'éloignant de plus en plus de ce que l'on pense toujours être. Jeune dedans, croulant dehors.
Je ne suis qu'un vieux croûton qu'on ne servirait même pas en salade.
Oh ! Je fais des efforts. Je m'arrange, redresse mes épaules, colle un sourire à ma face comme dirait l'autre... Le problème est que je ne trompe plus personne, même plus moi.
Je suis si las.

L'autre jour, en me baladant aux puces, une phrase lancée en l'air a rebondi sur moi. "Seule l'écriture me sauvera de la gueule de bois". J’eus le besoin viscéral de m’approcher. Deux hommes parlaient devant un stand. Ils riaient fort, sûrs d'eux, leur bedaine en avant. A leurs pieds je l’aperçus.
Un pantin. Une vieille loque usée et triste. Ce vieux machin m'a harponné, m'a fixé sur ce coin de bitume aussi sûrement qu'une ancre attache un bateau à son quai. Moche, dégarni, on aurait dit un SDF habillé en dimanche. Un vieux manteau sur le dos, il tendait ses mains, enserrant le vide désespérément. J'avais la sensation que c'est sa vie qu'il tentait vainement de retenir.
L'impression de miroir fut si forte que je ne marchandai même pas son prix (exorbitant). Il me fallait ce pantin, il me fallait le sortir de là, l'éloigner du regard des autres. Le cacher. Me cacher. Car c'est bien moi qui gisais là, flanqué d'autres vieilleries.

De retour chez moi, je l'ai posé contre mon lit. C'est lui que je vois à mon réveil. Mon regard ne peut l'éviter. Comme pour me rappeler ce que je suis, vraiment. Une vieille chose abandonnée. Moche et dégarnie. Bizarrement, cette vue me contente, me rassure. Comme si le poids des ans ne portait plus sur mes seules épaules. Comme si je n'avais plus rien à prouver. Je suis face à moi-même, chaque matin, et ma peau ratatinée n'est plus un choc dans le miroir. Juste une évidence. Je suis las, oui. Mais encore là.

Me reste juste à comprendre pourquoi.

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Commentaires
P
c'est le premier titre que je lui ai donné :))<br /> <br /> juste changé à cause d'un autre texte, plus vieux, appelé la psychée... autre regard sur la vieillesse... vue d'une femme qui les aimait bronzés, polis par le vent et l'eau, chauds et bien cuits ;)
E
Un besoin peut-il être autrement que viscéral ? Certes, il existe des besoins existentiels, furieux, impérieux, incoercibles, maladifs ou légitimes. Mais ce jour-là, justement, il s'agissait bien du besoin viscéral de savoir en quoi l'écriture pouvait sauver de la gueule de bois !<br /> <br /> Et si ce texte n'en donne pas la réponse, il ouvre malgré tout d'autres perspectives sur des sujets qui nous touchent tous : le rapport à son corps, la lassitude qui nous envahit avec l'âge, le besoin de protéger l'autre de la bêtise et de la grossièreté, fût-il un objet inanimé. Un objet auquel on aimerait rendre son âme, au risque de perdre la nôtre :-)<br /> <br /> Un texte au souffle chaud et grave et puissant. <br /> <br /> Moi, je l'aurai intitulé "Le miroir".
A
j'aime beaucoup le vieux machin que tu décris <br /> <br /> j'ai comme une envie d'aller le voir et de le reconforter ...
O
Oui, heureusement ! Mais c'est quand même le pantin de pati (et patati et patata) ;o)
B
un beau et bon texte. Mais quand on accepte la vieillesse et tant que ses indignités ne sont pas trop handicapantes, elle ne manque pas de douceur. Si ce n'était cette tendance des êtres jeunes à nous croire différents.
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