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Paroles Plurielles
27 mai 2007

Tout l’amour du monde … (Bérangère)

Le samedi c’est plus tranquille, il y a moins de monde, alors on peut sortir, il ne faut pas lâcher la main de maman, quand même !

Papa n’était pas content, il a crié, je n’ai pas très bien compris, il ne voulait pas que maman sorte avec sa petite robe noire, ses beaux cheveux et son maquillage, il a dit que la misère, ça les rend fous les gens d’ici …

Maman, elle a pleuré, elle a dit qu’elle en avait sa claque de tout s’interdire … alors moi, je lui ai dit de pas pleurer, qu’elle était belle comme une princesse qui brille ; ça fait du bien dans les yeux des gens de regarder des princesses, ça peut pas les rendre méchants, tout le monde aime les princesses …

Maman elle a souri et m’a fait un bisou, on est resté devant la maison comme çà papa n’a plus crié, l’eau était en train de chauffer au soleil dans la cuvette, plus tard quand on aura fini de jouer, maman nous savonnera et on se rincera dans la cuvette, c’est chouette l’été ; l’hiver il faut faire chauffer l’eau dans une grande casserole et se rincer avec le gant, c’est long, on a froid en attendant, et souvent il reste du savon, ça tire la peau, puis il faut s’essuyer bien comme il faut, frictionner, sinon on a des engelures, c’est comme quand on se coupe les engelures, ça fait un bobo et ça creuse, ça fait très mal, surtout aux pieds, l’hiver j’aime pas, c’est joli la neige et toutes les lumières qui clignotent de toute les couleurs dans la ville, mais moi j’ai tout le temps mal aux pieds, et j’aime pas !

Papa joue un peu au ballon avec moi, je suis content je joue comme Zidane, quand j’aurais grandi, je serais dans l’équipe de champions de la coupe du monde, je gagnerais des millions de milliards et j’achèterai une baignoire avec de l’eau chaude dedans, des robes pour maman et des cravates pour papa, comme çà il aura un travail pour acheter du vrai manger avec de la viande et des frites.

Une Madame pas contente est venue, maman elle n’arrêtait pas de dire « vous pouvez pas me faire çà … » tout bas, la dame a dit des mots en pas français pour que ma sœur et moi on comprenne pas, « dénutrition, anémie, incapacité parentale, placement provisoire … » .

Elle nous emmène, j’ai peur, mais je suis un garçon, je dois pas pleurer, j’ai dit mon secret dans l’oreille de maman pour qu’elle ne pleure plus : « je vais être bientôt dans l’équipe de champion de la coupe du monde, je te donnerais tous mes sous de milliard, tu pleureras plus jamais, je t’aime grand comme jusqu’à la lune … »

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Commentaires
A
Que de trouvailles, à " tomber par terre "<br /> Moi aussi, j'aime ton texte formidable " grand comme la lune " !
A
Ton texte est fort. La réalité hélas c'est parfois ça. Merci du fond du coeur
P
Bérengère, quel texte ! c'est magnifique. Ça parle vrai. Tu as parfaitement su te mettre dans la peau de cette enfant. Les mots sonnent justes.<br /> Quand aux émotions... woaw.<br /> <br /> un des plus beaux textes jusqu'à présent. des plus aboutis. enfin, à mon sens, hein :)<br /> <br /> bravo,; vraiment. :))
B
j'aime hgrand comme la lune, ou comme tous les mondes !
L
C'est beau!
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