Dialogue nocturne (Logarithme)
Le samedi, c'est plus tranquille. Il y a moins de monde. Seulement l'un ou l'autre concierge à éviter. Enfin, je peux sortir de mon trou pour me changer les idées.
La semaine passée, il pleuvait tellement fort que le flip flap sur le toit m'a fait entrouvrir un oeil. Une goutte sur le nez, l'autre s'est ouvert. La nuit, lorsque je me réveille, c'est foutu. Le sommeil cède sa place à mes peurs. Je voulais les fuir. Cette nuit-là, j'ai trouvé la solution ! Je me suis déshabillée, suis passée par le petite lucarne qui mène sur le toit et j'ai dansé sous la pluie. Je me prenais pour la reine de la Lune. Rien ne pouvait m'arrêter! J'écoutais mon rire parler aux cris de la pluie, seul dialogue nocturne. Les éclairs m'ont impressionnée, j'étais subjuguée. Illuminée à intervalles réguliers, je me sentais de plus en plus forte. La foudre m'est tombée dessus, telle une décharge, et des flashes de ma vie me sont revenus.
Une voiture. La voiture ! Celle que mon père avait eu tant de mal à acquérir. Celle qui ne m'avait pas même permis d'apercevoir son regard, une dernière fois, dans le rétroviseur. Celle qui n'avait pas hésité à redémarrer et s'éloigner, sans moi. Et moi, seule. Démunie. Au milieu de Rien. Un panneau STOP à droite, un long chemin à gauche. Je choisis la gauche!
Vinrent ensuite de longs jours d'errance et de réflexion. J'étais jeune, mais pas question de la D.A.S.S. ou autre invention de ce genre! Je ne voulais pas être catégorisée "Cas Social". Alors, je trouvai refuge ici, dans le grenier de cette petite école, il y a déjà deux ans... Je fête aujourd'hui mon 104ème samedi de vie solitaire parmi des livres poussiéreux, de vieux pupitres et mon existence désormais mansardée...