Le poids du coeur (Coquelicot FC)
Le samedi, c’est plus tranquille. Il y a moins de monde !
Moi, je reste à la caravane, pour surveiller les affaires que je dis !
Oh, je sais, elles ne vaudraient pas grand-chose aux yeux des nantis bien-pensants qui regardent avec commisération mon mari ou mes enfants en glissant une piécette jaune - une, pas deux - dans le gobelet McDo tendu pour leur faire passer le temps au feu rouge.
Oh, je sais, même mon mari et mes enfants pensent aussi que ces quelques pièces de lingerie, T-Shirts, robes élimées et pantalons pas bien propres, usés et déchirés ne méritent pas que j’en monte la garde avec autant de vigilance. Ils ne savent pas combien il est difficile pour moi de ne pouvoir leur donner plus. Je me prive pourtant moi-même, je me contente de moins que le minimum et, malgré cela, je n’ai pas à être fière de la façon dont j’habille mon homme et les enfants. Savent-ils le poids du cœur d’une mère qui depuis longtemps déjà n’est plus femme mais souillon ? Savent-ils le poids du cœur d’une mère qui, depuis longtemps déjà, n’est plus capable d’aider les enfants à leur retour d’école et bien trop gênée pour s’y rendre quand il y a des réunions de parents ou d’autres activités ?
Savent-ils le poids du cœur d’une mère qui doit vivre dans le camp sous la loi des plus forts, des prédateurs, des voleurs qui volent par nécessité, par survie eux aussi ?
Ma pauvreté n’est pas dans ce qui me manque, elle est dans ce que je ne peux donner, elle est dans le poids de tristesse, de honte, de culpabilité qui étouffe mon cœur et mes envies de caresses et de câlins à donner et recevoir. Ma pauvreté est intérieure, infiniment lourde ! Ma pauvreté est dans le regard de mépris que les autres portent sur moi.
Le samedi, c’est plus tranquille, il n’y a plus personne au camp, sauf moi. Les autres sont en ville, au marché, au centre commercial. Partout où il y a du monde qui dépense, fait des achats, du lèche-vitrines, il y a des piécettes à recevoir, des sacs à voler, des restes de nourritures à récupérer sur les bancs publiques, aux terrasses de café et dans les poubelles du centre ville.
Le samedi, c’est plus tranquille, je suis seule, vraiment seule … et je peux pleurer !