Une erreur...? (Lorraine)
Je suis seule, un de ces moments feutrés où l’on peut tout faire : examiner le grain de la peau dans un miroir grossissant, compter ses rides, peindre les orteils de rouge vif, s’étendre sur le lit et rester dans une bienheureuse inactivité tandis que les électrodes ronronnent et massent l’estomac et le ventre. Oui, les muscles tiennent le coup. Non, je n’attends personne…
Des pas dans le jardin… "Aline ! crie une voix joyeuse, tu es là ? ».
Oui, je suis là, nue, couchée sur le lit, bloquée par mes électrodes que je ne peux pas arracher d’un coup, au risque de faire sauter l’appareil. ..Cool, Aline. Tu les enlèves un à un, ils resteront sur le lit, tant pis, toi tu te lèves en vitesse et…Et il est dans l’entrebaillement de la porte. Il va me dire : « Excuse-moi, c’est une erreur… ». et tourner les talons, vite, vite, gèné.
Il ne tourne pas les talons. Il reste sur place, frappé de surprise. Je balbutie : « Excuse-moi, je ne t’attendais pas, je… »
Et puis je me tais. Son regard a chaviré, son visage s’est creusé de désir, il s’approche, j’attends…J’attends depuis si longtemps le moment où il comprendra que « nous ne sommes pas des amis », comme il le claironne depuis cinq ans . Nous sommes faits pour coucher ensemble, rouler sur le lit, sentir ses mains sur moi, le voir fièvreusement ôter son tee-shirt, son short, sans l’aider, je me réjouis trop de ses gestes saccadés et je préfère qu’un homme se déshabille seul. Je savoure le spectacle.
Il me prend les seins, sa bouche me bouleverse , et tout de suite, violemment, c’est urgent, c’est urgentissime, je le dirige…Après, nous pourrons nous apprendre, nous deviner, nous connaître. Nous avons beaucoup de temps devant nous. Il ne me dira jamais : « Excuse-moi, c’est une erreur »…