Retour aux sources (Brie)
La surprise est de taille
Je viens de la croiser et lorsque nos regards se sont fixés, ce fut comme un éclair zébrant la case mémoire de mon cerveau. Toutes les images de notre enfance ont défilé devant mes yeux, comme les séquences d’un film.
C’était mon amie, ma sœur, ma confidente.
Nos familles vivaient sur le même palier, du même HLM, de la même cité.
Dans cette banlieue où tous les immeubles se ressemblent. Tags sur les murs, boîtes aux lettres défoncées, porte d’entrée dont les carreaux explosent régulièrement par les ballons de foot lancés par les gosses qui n’ont pas de terrains de jeux pour se défouler.
Les journées se succédaient aux journées, toutes les mêmes mais chaque matin était pour nous un moment de joie.
Le matin, la cavalcade des cinq étages pour savoir qui arriverait la première en bas, puis l’école, les récrés, les copines, les jeux.
Nous étions heureuses, nous avions toute la vie devant nous et tellement d’espoir.
Vers 19 h, les mères appelaient leur progéniture pour le dîner du soir, en étendant leur linge aux séchoirs des fenêtres. Nous aimions ce moment où notre immeuble, pour quelques heures, devenait un théâtre de couleurs.
Dans l’insouciance de notre jeunesse, cette vie nous la traversions comme dans un rêve
Nous avions exactement le même âge, à quelques jours près et étions inséparables. Mais surtout, nous avions le même rêve : devenir danseuse et bien sûr, le moment que nous attendions toujours avec la même impatience était l’heure de notre cours journalier de danse.
Là, nous n’étions plus de simples petites filles, nous étions des « étoiles ». Comme un certain Aznavour l’a chanté, nous nous voyions déjà en haut de l’affiche.
Un beau matin, son père apprit qu’il était muté. Ils avaient donc déménagé et nous nous étions quittées les larmes aux yeux en nous promettant de nous écrire toujours. J’avais été triste pendant de longs mois de cette séparation mais j’étais contente pour elle, car je savais que dans leur nouvelle ville existait une école préparatoire pour l’Opéra de Paris. Je me consolais en pensant qu’elle pourrait réaliser son rêve..Et puis, bien sûr, la vie a fait que.....
Dix ans après. La surprise est de taille.Elle est là, devant moi.
Toujours aussi svelte, en tenue de jogging, elle marche d’un pas tranquille sur les pavés de ma rue.
Petit rat dans le ballet de la valse des chômeurs