Les baskets de ma mère.(Charlotte)
La surprise est de taille…
Ma mère, à 90 ans, s’est mise aux baskets.
Ce n’est pas du tout le genre à ma mère, toute de distinction et de grande
classe, toujours vêtue et chaussée.
Elle me dit comme si c’était dans son naturel : « Je vote pratique,
confortable désormais, pour évoluer sur les pavés de la Grand Place de
Bruxelles… »
Depuis que ma mère ne marche plus, depuis que ma mère est dans la lune,
elle s’envoie en voyage autour de la terre, du ciel et à Bruxelles.
Je lui donne raison. Les souliers à talons haut, sont peu adaptés à la
marche finale .Ils donnent des cloches qui sonnent douloureusement aux
pieds. Et quand on s’engage dans la dernière ligne droite, autant bien
s’équiper et en conséquence. Ma mère en a déjà assez vu de toutes les
couleurs dans la vie : des vertes, des bleues, des mûres et des pourries.
Mais elle a toujours fait de grands pas en avant. C’est une championne de
saut en hauteur et longueur.
Mais la surprise est de taille pour moi.
Je ne la reconnais plus, ni à ce qu’elle dit et ni, à ce qu’elle fait
comme si elle était déjà partie pour un autrepart connu d’elle seule.
Elle est devenue libre, sage et farfelue avec les épreuves et les années
qui n’ont jamais décomposées son âme et son visage. Je ne lui connais
point de grimaces quand elle fait face à ceux qui lui cherchent des poux,
des soupirs ou des pleurs…Elle a l’art d’afficher un tranquille sourire
renvoyant à leur enfer ceux qui ne supportent pas de s’y trouver seuls et
veulent l’ y entraîner aussi.
Pour cela, non merci, elle ne marche pas, elle préfère vivre et mourir,
fière et droite dans ses baskets, et pour cela, je vous le dis, elle est
capable de voler très haut, même par dessus les pavés de la Grand Place de
Bruxelles.